À mi-chemin du cycle olympique, Cyclisme Canada fonctionne sans ses deux plus hauts dirigeants, licenciés coup sur coup dans les trois derniers mois.

Mardi dernier, la fédération a annoncé le départ de Pierre Lafontaine, moins d'un an et demi après son embauche à titre de chef de la direction et secrétaire général. Le 8 mars, Jacques Landry, directeur technique de longue date, avait été démis de ses fonctions.

«On a mis en place un plan stratégique et il est devenu évident depuis un certain temps - on ne parle pas de mois ici, mais d'une année et plus - que, malheureusement, ces deux personnes n'étaient pas les dirigeants dont nous avions besoin pour aller de l'avant», a fait valoir le président de la fédération, John Tolkamp, en entrevue hier.

«Je ne vais pas entrer dans les détails pour chaque individu, a-t-il poursuivi. Les deux étaient des personnes passionnées et nous ont aidés à avancer. Mais au conseil d'administration, on sentait qu'il y avait des manquements dans la mise en oeuvre du plan. On devait faire ces changements dans la haute direction.»

Commotion

Ancien DG de Natation Canada, Lafontaine occupait le même rôle à Ski de fond Canada depuis à peine un an lorsqu'il a accepté l'offre de Cyclisme Canada (CCC) en novembre 2016. Ce changement lui permettait entre autres de se rapprocher de sa famille dans la région de Gatineau.

Annoncé comme une démission dans un communiqué laconique de la fédération, le départ de Lafontaine a causé une petite commotion dans le milieu. Selon deux sources, le conseil d'administration l'a plutôt forcé à partir, ce que n'a pas contesté son président Tolkamp.

«Depuis un bout de temps, je n'étais pas vraiment heureux, a déclaré Lafontaine. Je ne me sentais pas bien. Je devais me battre sur un paquet de dossiers. J'avais eu à remplacer Jacques Landry comme directeur technique. C'était une bataille constante pour continuer à bouger.»

Lafontaine et Landry n'avaient pas les meilleures relations, selon une autre source. Quand ce dernier est parti, le directeur général aurait eu du mal à composer avec les fidèles de l'ex-chef de la direction technique.

«Quand tu fais des changements majeurs comme ça, ça crée des tensions», a souligné Lafontaine, sans donner plus de détails. «Des gens se plaignent et ça prend quelqu'un qui le prend sur le menton.»

À son arrivée à Cyclisme Canada, Lafontaine dit avoir demandé l'embauche d'un adjoint ou d'un directeur des opérations pour s'occuper des questions administratives. Ce souhait ne s'est jamais matérialisé, a confirmé Tolkamp sans expliquer pourquoi.

«Ma force, c'est vraiment la grande vision du sport, a plaidé Lafontaine. Quand ils m'ont engagé, j'avais mentionné que j'avais besoin d'un directeur des opérations pour m'aider. Si vous m'engagez à faire des rapports à longueur de journée, vous perdez votre argent avec moi.»

«On a un plan»

Le président de CCC réplique que le C.A. «a travaillé de très, très près» avec ses deux dirigeants avant de procéder à ces changements, qui arrivent à un moment «qui n'est évidemment pas idéal».

«En ce qui concerne le processus de qualification olympique, on a un plan, et ça se poursuit, a précisé Tolkamp. On a des ressources en place et on exécute le plan sur le terrain. On continue de travailler avec À nous le podium. Avec un nouveau directeur technique, on ne pense pas seulement aux prochains Jeux olympiques. On pense au système à long terme, au réservoir de talent et à comment arrimer la haute performance avec le développement.»

Avec un appel de candidatures qui se termine lundi prochain, le président espère pourvoir le poste de directeur technique d'ici deux mois. Lafontaine assurera la transition cette semaine et sera remplacé sur une base intérimaire par le directeur du marketing Matthew Jeffries. Un nouveau chef de la direction doit être nommé d'ici trois mois.

Pierre Lafontaine, 61 ans, souhaite retourner à ses premières amours, la natation. «À mon âge, il est temps que je commence à être heureux», a-t-il conclu.

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Haut taux de roulement

Le départ de Pierre Lafontaine de Cyclisme Canada survient peu après deux autres changements importants dans les grandes fédérations nationales d'été. La présidente-directrice générale de Basketball Canada, Michele O'Keefe, a tiré sa révérence le 23 mai pour occuper un poste de directrice dans un collège de sa région. Au début du mois, Peter Nicol a démissionné de son poste de PDG de Gymnastique Canada.

«Ça fait pratiquement trois en trois semaines, sans compter les sports d'hiver», a souligné le directeur général de Water-polo Canada, Martin Goulet, préoccupé par la situation. «Il y a beaucoup de roulement et on en jase entre collègues depuis quelques jours. La cerise sur le sundae, c'est l'affaire de Pierre.»

Goulet et quelques-uns de ses homologues ont l'intention de soulever la question lors d'une importante rencontre de consultations avec Sport Canada, le 22 juin, à Ottawa.