L'Union cycliste internationale (UCI) promet depuis des semaines les premières sanctions liées au passeport biologique mais continue à multiplier les précautions par peur de voir sa nouvelle arme dans la lutte antidopage réduite en miettes devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Le président de l'UCI, Pat McQuaid, répétait encore lors du Tour de Californie fin février que l'annonce des premiers cas était «une question de jours ou de semaines». Les jours passent et aucun cas n'a encore été annoncé.

Depuis fin 2007, époque à laquelle le cyclisme s'est lancé officiellement dans ce projet pilote, des millions d'euros ont été investis. Mais l'Agence mondiale antidopage (AMA) préfère louer la prudence de l'UCI que de lui reprocher de traîner les pieds, consciente de l'enjeu sous-jacent.

«Chaque fois qu'il y a une nouvelle méthode, il y a une contestation juridique», soulignait le directeur général de l'AMA, David Howman, lors d'une conférence à Lausanne le 24 février.

Si depuis cinquante ans, la lutte antidopage consiste essentiellement à détecter une substance étrangère dans les urines ou le sang d'un athlète, le passeport biologique marque un tournant en se servant des propres paramètres d'un individu comme valeurs de référence.

Lorsqu'un profil présente des variations anormales, il doit être soumis de manière anonyme à un panel d'experts indépendants qui regardent l'ensemble du portrait pour estimer si ces variations sont la preuve d'un recours au dopage.

L'ombre du TAS

Après un premier écrémage en septembre, puis un autre en décembre, les experts ont été consultés par l'UCI une nouvelle fois fin février. «Lors de cette conférence téléphonique, les experts ont demandé des informations complémentaires à propos d'un petit nombre de coureurs», a expliqué le 6 mars le président de l'UCI. «Nous avons fait parvenir leurs requêtes aux différentes agences pour obtenir l'ensemble des documents des contrôles et voir ce qui peut être fait.»

Comme le profil est établi à partir de chacun des tests subis par un coureur, l'UCI veut s'assurer que chacun d'entre eux a été réalisé dans les règles de l'art et que tous les documents sont là pour le certifier. Sinon, un avocat de la défense aurait vite fait d'exploiter la faille devant une cour.

«Il est très important que les premiers cas tiennent la route devant une juridiction disciplinaire, et surtout devant le TAS», a insisté Pat McQuaid. Car immanquablement, le tout premier cas finira devant cette cour suprême du sport basée sur les hauteurs de Lausanne. De sa décision, dépendra l'avenir du passeport biologique et notamment sa généralisation à d'autres sports, dont l'athlétisme.

«L'UCI et les experts scientifiques devront nous montrer pourquoi l'outil est fiable», a prévenu Matthieu Reeb, le secrétaire général du TAS, lors d'une conférence le 23 février.

Le laboratoire antidopage de Lausanne, où sont conçus les passeports biologiques, a déjà été échaudé par l'annulation du premier cas positif à l'EPO, à partir du test de détection mis au point en 2000 par le laboratoire français de Châtenay-Malabry. «Nous étions convaincus que le Danois Bo Hamburger était dopé, mais nous avons perdu devant le TAS pour des questions de critères de positivité», a rappelé le directeur du laboratoire de Lausanne Martial Saugy. En 2007, le Danois a publié un livre où il a tout avoué.