La justice sud-africaine a accusé hier Oscar Pistorius de meurtre avec «préméditation». L'athlète a toutefois affirmé avoir tué sa compagne - abattue de quatre balles jeudi dernier - par accident, raconte notre collaboratrice.  

«Il faisait nuit noire. J'ai eu terriblement peur, croyant que quelqu'un était dans la salle de bains. Comme je n'avais pas mes prothèses, je me suis senti très vulnérable. [...] J'ai tiré sur la porte et j'ai crié.» Dans une déposition sur l'honneur, lue hier par l'avocat d'Oscar Pistorius alors qu'il comparaissait devant le tribunal de Pretoria, l'athlète a fermement démenti les accusations qui pèsent sur lui. Le triple champion paralympique est accusé d'avoir tué le mannequin Reeva Steenkamp, qui partageait sa vie avec lui depuis quelques mois.

L'audience, qui pourrait se prolonger encore plusieurs jours, ne concerne que la demande de mise en liberté sous caution. Il ne s'agit donc pas ici du procès, mais bien de confronter les arguments afin de définir la gravité de l'accusation. Cependant, les chances qu'Oscar Pistorius reste libre en attendant son procès semblent de plus en plus minces.

Le juge Desmond Nair a annoncé que les accusations qui pèsent sur l'athlète seraient classées de la manière la plus sévère prévue par la loi sud-africaine. Il a affirmé qu'il retenait, pour l'instant, l'accusation de préméditation avancée par le procureur Gerrie Nel. Ce poids lourd du parquet sud-africain ne croit pas à la thèse de l'accident. L'accusé «a pris son arme, mis ses prothèses, marché sept mètres [la distance séparant la chambre de la salle de bains] et fait feu», a-t-il déclaré dans son réquisitoire. «La porte des toilettes a été défoncée de l'extérieur. Nous pensons qu'elle était fermée à clé. [...] Il n'y a rien qui puisse soutenir la version selon laquelle il aurait pensé qu'il s'agissait d'un cambrioleur».

Oscar Pistorius reconnaît avoir tiré les coups de feu, mais affirme qu'il s'agit d'un dramatique concours de circonstances. «Je n'avais pas l'intention de tuer ma petite amie, Reeva Steenkamp», a dit son avocat, qui parlait au nom de l'accusé, trop éprouvé. Le juriste a ensuite démenti les rumeurs selon lesquelles le couple se serait disputé fréquemment, notamment le soir précédant la mort de Reeva Steenkamp.

Mais les deux ténors du barreau auxquels le champion paralympique a fait appel devront maintenant se montrer très persuasifs et trouver des circonstances exceptionnelles qui justifieraient que leur client ne soit pas envoyé en prison.

Lors de l'audience, Oscar Pistorius, dont la famille était présente au tribunal, est apparu très accablé. Les lèvres tremblantes, le visage anxieux, le regard fixé droit devant lui, il a éclaté en sanglots pendant que son avocat plaidait. L'audience a même dû être suspendue durant quelques minutes pour lui permettre de se ressaisir. La trajectoire de celui que les Sud-Africains percevaient jusqu'à récemment comme un héros national est bel et bien brisée.

La version des faits de Pistorius

Voici les principaux points de la déposition d'Oscar Pistorius, lue par son avocat.

«Vers environ 22 h, le 13 février, nous étions dans notre chambre. Elle faisait des exercices de yoga et je regardais la télévision au lit. Mes prothèses jambières étaient ôtées. Nous étions très amoureux et je ne pouvais pas être plus heureux. Je sais qu'elle ressentait la même chose. Elle m'avait donné un cadeau pour la Saint-Valentin, mais demandé de ne l'ouvrir que le lendemain. »

«Je suis extrêmement sensible à la violence criminelle [...]. J'ai reçu des menaces de mort auparavant. J'ai aussi été victime de violence et de cambrioleurs par le passé. Pour cette raison, je garde mon pistolet, un 9 mm Parabellum, sous mon lit lorsque je me couche la nuit.»

«Aux premières heures du matin du 14 février 2013, je me suis réveillé, j'ai été sur le balcon pour rapporter le ventilateur et j'ai fermé les baies coulissantes, les volets et les rideaux. J'ai entendu un bruit dans les toilettes et j'ai réalisé que quelqu'un était dedans.»

«J'ai senti la peur m'envahir brusquement. Il n'y a pas de barreaux anticambrioleurs à la fenêtre de la salle de bains et je savais que les entrepreneurs qui travaillaient sur ma maison avaient laissé les échelles dehors. Même si je n'avais pas mes prothèses jambières, je peux me déplacer avec mes moignons.»

«J'ai cru que quelqu'un était entré dans ma maison. J'avais trop peur pour allumer la lumière. J'ai pris mon pistolet 9 mm sous mon lit. En allant aux toilettes, j'ai crié pour lui ou leur demander de sortir de ma maison et pour que Reeva téléphone à la police. Il faisait noir dans la chambre et j'ai pensé que Reeva était dans le lit.»

«Comme je n'avais pas mes prothèses et que je me sentais extrêmement vulnérable, j'ai pensé que je devais nous protéger Reeva et moi.»

«J'ai tiré plusieurs fois sur la porte des toilettes et crié à Reeva de téléphoner à la police. Elle n'a pas répondu [...]. Tout était vraiment noir dans la chambre à coucher et j'étais déjà trop effrayé pour allumer la lumière.»

«Lorsque j'ai atteint le lit, j'ai réalisé que Reeva n'y était pas. C'est à ce moment que je me suis rendu compte que cela pouvait être Reeva qui était dans les toilettes [...]. J'ai mis mes prothèses jambières, j'ai couru pour revenir dans la salle de bains et j'ai essayé de taper sur la porte des toilettes pour l'ouvrir [...]. Je suis revenu dans la chambre et j'ai pris ma batte de cricket pour défoncer la porte des toilettes [...]. Reeva était sans connaissance, mais toujours en vie.»

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Dernier hommage digne pour Reeva Steenkamp


Les proches de Reeva Steenkamp lui ont rendu un dernier hommage digne et sobre dans sa ville de Port Elizabeth. Interdite aux médias et aux curieux, la cérémonie s'est déroulée au crematorium de Victoria Park, quartier tranquille de la ville du sud du pays où la jeune femme a grandi. Le cercueil, recouvert d'un drap et d'une composition de fleurs blanches, est arrivé au crematorium, porté par six hommes. Le corps a été incinéré à l'issue de la cérémonie, qui n'a pas duré plus d'une heure. Une centaine de parents et d'amis étaient présents. Parmi eux, le joueur de rugby Francois Hougaard, à qui la presse sud-africaine a prêté une aventure avec Reeva il y a quelques mois, et dont Pistorius aurait pu être jaloux.

- Avec Agence France-Presse

Photo AFP

Des proches de Reeva Steenkamp se recueillent à Port Elizabeth.