Ils adorent jouer dans la neige. Mais, plus que tout, ils adorent se mesurer à eux-mêmes. Portraits.

Jacques Coco Chouinard : le skieur infatigable

Sport: Ski alpin

Lieu de résidence: Granby

Âge: 57 ans

Profession: Monteur de ligne

«Ma mère a eu besoin d'une césarienne. Les skis ne passaient pas!» C'est la blague que raconte Jacques Chouinard pour illustrer sa passion pour la glisse. Une blague qu'on devine à peine exagérée lorsqu'on prend connaissance du parcours de celui qui a commencé à skier avant l'arrivée des remontées mécaniques dans sa région natale gaspésienne.

Natif de Matane, Jacques Chouinard a le ski dans le sang. Sa mère s'adonnait à la compétition et sa fille, qui réside aujourd'hui près de Whistler, en Colombie-Britannique, est aussi une mordue de ski. Initié jeune à la compétition, celui qui est mieux connu dans le milieu sous le nom de Coco continue de prendre part chaque année à trois ou quatre épreuves de slalom de la Série des maîtres BMW. L'homme de 57 ans enseigne également la course au mont Sutton.

S'il commence à songer à sa retraite professionnelle, le jour où il rangera ses skis est encore loin. Dans la Série BMW, les catégories d'âge vont jusqu'à 80 ans, remarque celui qui dit pratiquer ce sport pour le plaisir et pour la dose d'adrénaline qu'il procure. «Quand on arrive en haut au départ, on est dans notre bulle, raconte-t-il. Ça dure 50 secondes, 1 minute.»

Mais parfois, la partie de plaisir tourne à la catastrophe. À sept reprises, Jacques Chouinard s'est blessé en compétition. «De grosses blessures, précise-t-il. Je connais mon anatomie. Je suis cassé à peu près partout.» Depuis qu'il a subi une déchirure du ligament croisé à un genou, qui a nécessité de longs mois de réadaptation, le skieur se veut moins téméraire. «Avant, c'était toujours au max. On est à fond de train, on veut gagner, on prend des risques. Aujourd'hui, si je vois qu'il y a une chute qui va se produire, je ne forcerai pas pour me ramener, je vais me laisser sortir.»

Quand il est question de ski, Jacques Chouinard ne manque pas d'intensité. En 1984, il a skié pendant 86 heures et 17 minutes, et a ainsi battu un record d'endurance. Lors de l'exercice de sa seconde passion, le ski nautique, il a participé à une course de 260 km entre Québec et Montréal.

Aujourd'hui, Jacques Chouinard enfile ses skis (nautiques ou alpins) de trois à quatre fois par semaine. Le monteur de ligne d'Hydro-Québec bénéficie d'une semaine de travail de quatre jours pour dévaler les pistes. Et il n'a pas à rouler bien loin puisqu'il est établi à Granby, «un petit paradis».

Prochaines compétitions: Série des maîtres BMW (mont Orford): 2 et 3 mars

Simon Harvey : le grimpeur pragmatique

Sport: Escalade de glace

Lieu de résidence: Montréal

Âge: 26 ans

Profession: Technicien en génie électrique

L'automne était à peine installé que Simon Harvey rêvait déjà de froid, de neige et de glace. «Pour moi, être dehors au froid, c'est mon trip», lance le mordu d'escalade sur glace.

À l'inverse de nombreux Québécois, Simon Harvey attend chaque année l'arrivée de l'hiver avec une impatience qui frôle l'obsession. «Je suis un maniaque de l'hiver, affirme-t-il. J'aime le froid. Quand j'étais petit, mes parents me mettaient dans le banc de neige et je m'endormais. Tout ce que les gens détestent du mois de novembre, je l'espère.»

Simon Harvey pratique l'escalade depuis six ans. S'il s'accroche tant aux parois rocheuses qu'aux murs de glace, il préfère de loin les secondes pour le grand degré de difficulté qu'elles procurent. Parce que les ancrages sont plus difficiles à installer dans la glace, les grimpeurs en mettent souvent moins qu'en escalade de roche et s'exposent parfois à des chutes allant jusqu'à 20 m. «Il y a des moments où je me dis que je ne peux pas tomber. On met toute notre vie sur [une vis de] 10 cm dans la glace.»

Heureusement, les chutes ne sont pas fréquentes. Hormis un coup de piolet au visage, Simon Harvey n'avait jamais subi de blessure jusqu'à décembre dernier, quand une fracture de stress l'a mis au repos forcé.

Faisant preuve d'une discipline de fer, le grimpeur s'astreint à un entraînement rigoureux. Il fait du crossfit quatre fois par semaine et du triathlon trois fois par semaine. Pour contrôler son poids, il consulte une nutritionniste sur une base régulière.

De tels efforts mis dans l'entraînement lui permettent de mieux apprécier ses week-ends de grimpe, au nombre d'une vingtaine par hiver. Ses nombreuses sorties lui ont d'ailleurs fait perdre une petite amie, moins passionnée d'escalade que lui.

Simon Harvey n'incarne pas le grimpeur typique. Son ami Dominic Asselin, propriétaire de l'école d'escalade Attitude Montagne, le qualifie de pragmatique. «Les grimpeurs ont tendance à être un peu plus relax», admet Simon Harvey. Or, il en faut, de l'organisation, pour concilier un tel entraînement avec un emploi à temps plein et parfois sur appel. «Heureusement, mes heures de travail sont flexibles et j'ai un patron compréhensif.»

Même s'il envie parfois ses amis qui travaillent dans le milieu de l'escalade ou occupent un emploi à temps partiel ou saisonnier, Simon Harvey aime trop son travail pour le quitter.

Celui qui a fait l'ascension de l'Huascaran, plus haute montagne du Pérou, avec seulement 67 jours de préparation, n'a pas peur des défis. Son objectif ultime? Grimper la Pomme d'or, voie haute de 350 m située au coeur du parc des Hautes-Gorges-de-la-rivière-Malbaie.

Photo : Olivier Jean, collaboration spéciale

Simon Harvey

Jean Anderson : le canoteur compétitif

Sport: Canot à glace

Lieu de résidence: Québec

Âge: 53 ans

Profession: Ingénieur électrique

«On est loin d'être loin devant. C'est très, très chaud.» Les 22 victoires de Jean Anderson (à droite sur la photo, en maillot bleu) à la course de canot à glace du Carnaval de Québec n'ont pas eu raison de son humilité. Même si chaque victoire demeure fragile, on peut dire qu'en matière de canot à glace, Jean Anderson fait partie des meubles.

Adepte de ce sport depuis 30 ans, le barreur de l'équipe Château Frontenac-Le Soleil est aussi le président de l'Association des coureurs en canot à glace du Québec. Sa passion pour ce sport, qui trouve ses origines aux débuts de la colonie, a débuté lorsqu'il était à l'université. Depuis, une seule fois a-t-il regardé partir le canot alors qu'il n'était pas à bord. «J'ai regardé la course et je me suis dit: «Non, je ne reste pas sur les quais, ça ne marche pas»», se souvient-il. L'année suivante, il était de retour dans l'équipe, accro aux sensations que la course procure. Et comme si un pilote de Formule 1 dessinait lui-même son bolide, l'ingénieur de profession investit aussi beaucoup de temps et d'argent dans la conception de moules pour les canots en fibre de verre.

Le canoteur ne qualifie pas son sport d'extrême. «C'est plutôt un sport de moumoune avec des sensations extrêmes! lance-t-il. Il n'y a vraiment pas de danger et si on ne s'entête pas à combattre les éléments comme le vent et le courant, c'est plaisant et accessible à tous.»

Le canot est vite devenu une affaire de famille chez les Anderson. Initiés par leur frère, Jacques et Paul coursent également dans la classe élite. La décision de Jean et de son équipe, il y a deux ans, de laisser tomber «l'équipe B» à laquelle appartenait Jacques a toutefois créé des tensions entre les deux frères.

Cousin de l'aviron olympique, le canot à glace est un sport exigeant qui requiert un entraînement toute l'année. Pour garder la forme pendant la saison morte, Jean Anderson fait du vélo. Il a roulé 7000 km l'été dernier. Dès septembre, le vélo a fait place à la musculation, à la rame olympique et à deux sorties hebdomadaires sur les eaux du lac Saint-Charles en préparation des six courses qui se tiennent cet hiver au Québec. Il y a notamment celle du Carnaval, qui sera disputée demain, ainsi que celle de Montréal. La métropole accueille la compétition pour la première fois depuis longtemps.

Et le réchauffement climatique? Cela n'inquiète pas Jean Anderson. «Sur le fleuve, le temps doux ne change rien, fait-il valoir. Les glaces sont bonnes quand même. Pour passer l'hiver, avec le réchauffement climatique, c'est un beau sport!»

Prochaines compétitions:

Carnaval de Québec: 10 février

Isle-aux-Coudres: 16 février

Vieux-Port de Montréal: 23 février

Grand Défi des glaces (Québec): 2 mars

Photo : Patrice Laroche, Le Soleil

Jean Anderson et ses coéquipiers canoteurs.

Nathalie Langlois : la fondeuse orgueilleuse

Sport: Ski de fond

Lieu de résidence: Magog

Âge: 40 ans

Profession: Médecin spécialiste

Après son quart de travail à l'hôpital de Sherbrooke, Nathalie Langlois enfile ses skis de fond. De quatre à cinq fois par semaine, elle empoigne sa lampe frontale et se rend sur les pistes du parc national du Mont-Orford pour s'entraîner.

Depuis qu'elle a été initiée au ski de fond par ses parents à l'âge de 8 ans, Nathalie Langlois n'a jamais cessé de glisser. Membre du club du Mont-Sainte-Anne à l'adolescence, la fondeuse a toutefois pris une pause de la compétition pendant ses études en médecine. Depuis 2008, elle est membre du club des maîtres d'Orford et participe à cinq ou six épreuves du circuit provincial chaque année.

Spécialiste des reins, Nathalie Langlois réussit à concilier ses longues semaines de travail, sa participation à une chorale et son entraînement. Pour se discipliner, elle fait appel à un entraîneur personnel. «Quand il y a un papier qui dit qu'il faut aller faire ça, ça aide à la motivation. Ça m'aide à m'entraîner correctement aussi et à optimiser le peu de temps que j'ai. Je vois des gens qui s'entraînent 15 ou 20heures par semaine. Je ne peux pas faire ça avec mon travail et mon horaire.»

Cela ne l'empêche pas d'obtenir de bons résultats. En 2010-2011, elle a remporté la première place au terme de la saison du Circuit provincial des maîtres. Orgueilleuse et compétitive, Nathalie Langlois termine toujours ses courses, même lorsqu'une sensation de brûlure s'empare de ses jambes. «Je me dis que je vais être encore plus déçue de moi si j'abandonne», dit celle qui aime autant le pas de patin que le classique, mais préfère les longues distances aux sprints. «Je vois plein de mes patients qui se battent contre le cancer. Pour quelqu'un qui fait de la chimiothérapie, c'est difficile pendant plusieurs semaines.»

Si le travail et l'entraînement sont ses priorités - elle n'a pas d'enfant -, Nathalie Langlois s'assure toutefois de ne pas tout sacrifier. «Je suis consciente que je n'irai jamais aux Jeux olympiques et que je fais ça pour le plaisir. J'aime la performance, mais j'aime bien avoir une vie aussi en dehors du sport et du ski de fond.»

N'empêche que lorsque vient le temps de prendre des vacances, la fondeuse ne s'envole pas sous le soleil du Mexique. Elle va plutôt s'entraîner sur un glacier en Autriche ou participer à l'une des courses du circuit Worldloppet. «Mon but, c'est de toutes les faire dans le courant dans ma vie», dit celle qui peut déjà rayer de sa liste celles de la Suède (la spectaculaire Vasaloppet), la France, l'Allemagne et bientôt l'Italie.

Prochaines compétitions:

Championnat du monde des maîtres (Asiago, Italie): du 14 au 22 février

Tour du mont Valin (Saguenay): 16 mars

Photo fournie par Nathalie Langlois

Nathalie Langlois

Joanne Maheu: la coureuse rassembleuse

Sport: Course en raquettes

Lieu de résidence: Ayer's Cliff

Âge: 44 ans

Profession: Enseignante au secondaire

Joanne Maheu est venue au sport sur le tard. Après avoir pris goût à la marche à l'âge de 40 ans, elle a rapidement accéléré la cadence. Adepte de la course à pied l'été, elle enfile maintenant ses raquettes l'hiver pour grimper et dévaler les montagnes à grande vitesse, sous les regards ahuris des randonneurs du dimanche.

Jusqu'à il y a quatre ans, Joanne Maheu était inactive. Elle préférait regarder passer la parade et applaudir son conjoint, coureur émérite, au fil d'arrivée. C'est un iPod reçu en cadeau qui l'incite à marcher. Tous les jours. Un an plus tard, elle se met à courir et découvre la course de sentiers. «Avant, je n'étais pas capable de courir pour aller au bout de la rue, dit celle qui ne se considère toujours pas comme une athlète. Je n'y rêvais même pas. Je pesais au moins 50 livres de plus.» Mère de trois garçons et enseignante d'anglais au secondaire, Joanne Maheu demande une tâche réduite à l'école pour pouvoir faire de la place au sport.

Elle chausse pour la première fois des raquettes de course en 2011 lors d'une épreuve de 5 km à Coaticook. C'est la naissance d'une grande passion. «On est toujours en forêt, c'est super tranquille, observe la coureuse. Juste marcher, je trouverais ça ennuyant. Monter une côte en courant en raquettes et la descendre, ce n'est pas le même sentiment qu'en course à pied.»

À peine un an plus tard, la résidante des Cantons-de-l'Est est propulsée au Championnat québécois de course en raquettes après avoir remporté une épreuve régionale. Elles ne sont que deux femmes inscrites chez les 40 ans. Elle termine deuxième, néanmoins satisfaite du résultat.

Méconnue, la course en raquettes n'a pas connu le même engouement que la course à pied. Par conséquent, les compétitions se font plutôt rares. Cet hiver, Joanne Maheu a misé sur la Trail des neiges, une course nocturne de 5 km qui s'est tenue au mont Orford en janvier dernier. La Ayer's-Cliffoise a terminé 3e (2e chez les femmes, 1re chez les 40 ans et plus). Membre du Club de trail Le Coureur, elle s'entraîne cinq fois par semaine. «Il y a un côté un peu maso, reconnaît-elle. Il y a des gens qui trouvent ça un peu obsessif. J'ai envie de leur demander: est-ce que tu écoutes la télé cinq jours par semaine? Qu'est-ce qui est le plus obsessif?»

Rassembleuse, elle aime bien s'entraîner en groupe. Mais certains randonneurs apprécient moins. «Il y a des gens qu'on dérange. Pour eux, la raquette, c'est censé être la contemplation. Ils ont l'impression qu'on n'apprécie pas. Et pourtant!»

Prochaines compétitions:

Northern Vermont Snowshoe Challenge (États-Unis): 10 février

Big Foot Advance Fuel (Sainte-Julie): 24 février

Photo fournie par Luc Hamel

Joanne Maheu