Le tambour, ce petit sas que nos aïeux avaient imaginé pour stopper l'intrusion des gros vents d'hiver dans la maison lorsqu'ils ouvraient la porte, refait son entrée, mais doucement.

Le tambour, ce petit sas que nos aïeux avaient imaginé pour stopper l'intrusion des gros vents d'hiver dans la maison lorsqu'ils ouvraient la porte, refait son entrée, mais doucement.

 «Profitant de travaux de rénovation qu'ils entreprennent, plusieurs particuliers veulent le leur. Ils le préfèrent trois saisons tandis qu'ils y voient une opportunité de rangement», raconte Jean-Marc Harvey, architecte et copropriétaire de l'Atelier Avant-Garde de Québec.

 Alors que, l'hiver, nous avons bottes, mitaines et manteaux, et que nous avons besoin d'un tapis gratte-pieds, Jean-Marc Harvey s'étonne du fait que nos maisons, depuis 40 ans, ne sont pas organisées pour ça. «En cela, elles n'ont rien de plus que celles du Sud. Ce qui est presque un non-sens», déplore-t-il.

 Il n'admet pas moins que plusieurs particuliers ne peuvent, latéralement à leur demeure, s'offrir un tambour de peur qu'il n'empiète sur la marge de recul réglementaire par rapport à la ligne de lot. Car, de nos jours, les terrains sont étroits. Souvent, il n'ont que 60 pieds de frontage. Derrière la maison, par contre, la faisabilité est plus grande.

 De plus, les maisons actuelles sont «protocolaires». Elles ne tolèrent aucun désordre. En cela, elles sont aseptisées. Or le tambour donne droit à cette liberté.

 Au delà de la 18e Rue à Limoilou, par exemple, où abondent des cottages des années 50 et 60, ils sont fréquents. Plusieurs sont mignons et prennent la couleur de l'architecture résidentielle de l'endroit. Chose certaine, ils ne jurent pas.

 On refait l'histoire

 C'est au XVIIIe siècle, selon le directeur de l'École d'architecture de l'Université Laval, Jacques White, que nos ancêtres ont découvert le bien-fondé du tambour.

 Les maisons, souvent esseulées au milieu des terres, étaient exposées aux gros vents. D'un autre côté, leurs pièces de séjour étaient vastes. Sitôt qu'on ouvrait la porte, la bise refroidissait tout l'air des lieux. Ils ont donc eu l'idée de dresser des abris de planches devant les issues. Abris qui étaient temporaires. Le printemps venu, on les enlevait en même temps que les «châssis doubles».

 «Mais de nos jours, note M. White, on refait l'histoire. L'automne, on voit, ici et là, surgir des abris de toile à ossature métallique devant les portes» pour soustraire le portique au vent et à la neige.

Isolants

 En fait, les tambours ne sont pas que coupe-bise, lieu pour secouer ses semelles et accrocher ses frusques. Ils sont aussi isolants puisqu'ils forment une grande chambre d'air. C'est pourquoi les contre-portes sont inutiles. Les tambours font donc économiser de l'énergie... et de l'argent.

 «Mais ce n'était pas l'économie qui intéressait nos pères, car l'énergie de chauffage était abondante et à bon marché. C'était le confort qui leur importait. Ils étaient las de frissonner chaque fois qu'on ouvrait la porte», rappelle l'architecte qui est à la fois concepteur et zélateur d'une architecture québécoise résolument moderne. Qui prend pied, cependant, sur la créativité des anciens eu égard aux «pavillons» de services qui étaient adossés aux maisons quand elles ne les contenaient pas.

 D'un autre côté, si le tambour est assez long ou large, abondamment fenêtré, tourné vers le sud et flanqué de feuillus de grande taille, il donne lieu à des gains de chaleur passive l'automne, l'hiver et le printemps. L'été, il est au frais, derrière le feuillage. Le toit rigide constituant, pour sa part, un bon appareil de défense contre les fortes chaleurs lorsque le soleil est à son zénith.

 S'il est au nord-est, comme la plupart des cuisines d'été du temps jadis, il contribuera à protéger les murs - comme le font d'ailleurs les garages, pareillement orientés, de nos jours - contre le vent. L'été, il y fera plus frais. Sans compter l'accroissement local du facteur R des murs.

 Par ailleurs, M. White voit, dans les tambours, quelque chose de magique. «Puisqu'il est un imposant mur isolant dans lequel on passe.»

 Et comme les gens sont de moins en moins tolérants aux échanges de température entre l'intérieur et l'extérieur, le tambour est au nombre des moyens de se mettre mieux à couvert.

 «Durant les années 70, on a été présomptueux. On a cru que nos enveloppes de bâtiment de 8 po d'épaisseur pouvaient, seules, tenir tête aux conditions de température extérieures. C'est pourquoi toute annexe a été bannie», note-t-il. Le tambour a encore son utilité, pourtant. Encore qu'on semble le réclamer davantage pour l'accorder à la maison d'esprit canadien qu'on a, que pour son utilité réelle.

 Pratique au quotidien

 Il y a 20 ans, deux couples, qui ne se connaissent d'ailleurs pas, achètent chacun une propriété résidentielle dans Limoilou. L'une est sur la 21e Rue, l'autre à l'angle de la 4e Avenue et de la 21e Rue. Chaque maison a son tambour. Le premier est délabré, le second n'a pas vraiment bonne mine. Conscients tout de même de leur cachet, de leur potentiel de rangement et d'isolation, ils décident de les rafraîchir.

 Yolande Larose et Pierre Savard renippent le leur au moyen d'un parement de vinyle récupéré. Il est en bon état. Ils le peignent soigneusement acajou. L'effet est réussi. Le tambour a, à s'y méprendre, l'aspect du vrai bois. Les «planches» dressées debout accentuent son élégance discrète. Avec sa porte architecturale à moulures assortie d'une ouverture ovale à vitrail, la petite construction attire, de la rue, le regard.

 À l'intérieur, Yolande et Pierre fabriquent et installent un petit cabinet à compartiments en coin qu'ils surmontent de carreaux de céramique. On peut donc, l'hiver, y abandonner ses bottes et autres effets avant d'entrer.

 «Voyez les portes et fenêtres aussi bien que leur vitrage. Ils ne sont pas doubles», signale Pierre pour démontrer la fonction isolante du tambour.

 Pâtisseries

 De leur côté, sur la 4e Avenue, Hélène Nadeau et Denis Turgeon ont constaté que la peinture des clins de bois du parement farinait ici, écaillait là. Ils ont tout décapé et repeint. Depuis, le tambour a fière allure.

 Non seulement ils peuvent s'y secouer les pieds, mais encore y entreposer des jouets (ceux de leurs petits-enfants), chausser les patins et s'en servir comme réfrigérateur. Car les Nadeau-Turgeon y conservent les pâtisseries du temps des Fêtes. Bien sûr, le tambour protège la maison des gros vents de nordet.

 Par devant, pour accéder à la grande maison, il faut d'abord passer par un vestibule intérieur fermé. Lui aussi est brise-vent tout en étant employé comme lieu de rangement des couvre-chaussures. À cette fin, il s'y trouve des tablettes, outre des crochets pour suspendre vestes, manteaux et casquettes. Il y a aussi un miroir pour régler les derniers détails de son apparence et de son habillement avant d'entrer ou de sortir.

 Séjour

 Cependant, il existe des tambours convertis en petite pièce de séjour. Ils sont chauffés, la porte d'accès à partir de la maison reste toujours ouverte. On en fait une sorte de solarium qui s'avance un peu dans la cour, sous les arbres. Dans ce cas, ils ne sont ni coupe-bise, ni isolants.

 D'un autre côté, dans les demeures nouvelles, on est souvent à l'étroit au rez-de-chaussée. Une fois soustraites la cuisine et la salle à manger, il ne reste plus beaucoup de place pour être à son aise.

 «Au bout de quelques années, on n'en peut plus. On fait agrandir à la manière d'un grand tambour. Puis, souvent, on en profite pour mettre en place un walk-in (penderie)», dit Jean-Marc Harvey, architecte et copropriétaire de l'Atelier Avant-Garde de Québec, entreprise qui fait profession de grandes rénovations. Ce tambour peut être quatre, voire trois saisons. C'est selon.

 

Photo Raynald Labbé, Le Soleil

Pour les propriétaires qui peuvent construire un tambour, l'avantage est indéniable l'hiver.