Ce n'est pas parce que des meubles ne sont pas anciens qu'ils ne racontent pas d'histoires. Les créations de Bois Urbain sont chargées des vies de ceux qui les ont fabriquées, mais n'en soufflent pas mot.

Les armoires de cuisine sont bien droites, les planches à canapés, bien lisses et les commodes sont impeccables. Bois Urbain a beau être une entreprise de réinsertion sociale, aucun compromis n'est fait sur la qualité.

Dans les ateliers de la rue Meilleur, non seulement on travaille le bois, mais on s'attarde aussi à polir des êtres parfois écorchés. Toxicomanie, problèmes familiaux, difficulté à obtenir un premier emploi, la cinquantaine de jeunes qui passent annuellement chez Bois Urbain ont parfois un parcours accidenté.

Une équipe permanente d'une quinzaine de personnes s'assure donc de parfaire leur formation.

«Il y a des cours de gestion de conflits ou de budget. On veut inculquer des notions comme être à l'heure, ne pas arriver les yeux poqués le lundi matin... ce sont des choses qui vont de soi pour vous et moi, mais pas nécessairement pour eux», dit la directrice générale de l'organisation, Martine Veillette.

Les jeunes qui se succèdent chez Bois Urbain y restent six mois grâce à un programme financé par Emploi-Québec. Ils y occupent des postes d'aide-ébéniste, d'aide-finisseur, de commis-vendeur ou de manutentionnaire. Dans les ateliers équipés comme ceux des professionnels, on usine des meubles, on assemble des cuisines et on redonne une nouvelle vie à de vieux meubles.

Franz Thijs-Paulin a dû cesser sa formation en ébénisterie parce qu'il peinait à concilier travail et études. C'est Bois Urbain qui lui a permis de continuer. «Je peux poursuivre ma passion tout en étant payé», dit-il.

Après avoir fait six mois dans le programme général de Bois Urbain, il parfait sa formation dans le cadre d'un programme d'apprentissage en milieu de travail, auquel sont admis les meilleurs candidats.

«On apprend à travailler sous pression et à se débrouiller. On ne sait jamais sur quel problème on va tomber. Une maison, c'est toujours croche», dit le jeune homme de 22 ans, affairé à modifier une armoire de cuisine. En riant, il ajoute avoir «insisté» pour rester un an de plus chez Bois Urbain et avoir la ferme intention de faire carrière dans le domaine.

Produire de la qualité

Il fait partie d'une équipe qui usine des cuisines et des meubles vendus par la jeune entreprise montréalaise À Hauteur d'homme. De deux au départ, Louis-Philippe Pratte fait maintenant faire presque tous ses produits par Bois Urbain. Leur collaboration était «un mariage écrit dans le ciel», dit le fondateur de la marque.

«La mission de l'entreprise est vraiment magnifique. J'aime qu'ils redonnent une nouvelle chance aux gens. Ils donnent aux jeunes un tremplin pour aller chercher plus de confiance en soi», dit Louis-Philippe Pratte, qui a placé l'engagement social et environnemental au coeur de son entreprise.

Si certains clients aiment qu'il fasse affaire avec une entreprise de réinsertion sociale, M. Pratte reconnaît que d'autres entretiennent des préjugés. Ils sont infondés, plaide-t-il.

«Les jeunes ne sont pas lâchés lousses. J'ai même l'impression qu'il y a davantage de contrôle de qualité qu'ailleurs. Ce ne sont pas des professionnels, mais je n'ai pas davantage de problèmes de qualité. Ils sont conscients que le client est important», dit-il.

Car la «première tâche» de Bois Urbain a beau être d'aider les jeunes qui y passent, reste qu'on vise aussi la croissance. «On veut être rentable. Pas comme une entreprise privée, mais on a un souci de bonne gestion», dit la directrice générale de l'organisme, Martine Veillette.

Les habitués de la rue Fleury, dans le quartier Ahuntsic, auront noté que Bois Urbain y a pignon sur rue. Dans un avenir proche, de nouveaux meubles au style contemporain seront intégrés à la collection déjà proposée.

Vingt ans après sa création, Bois Urbain a encore du pain sur la planche. Non seulement de nouveaux clients se manifestent-ils pour faire affaire avec l'entreprise, mais des jeunes continuent d'y entrer chaque semaine pour une formation.

«Quand on remet un jeune sur la track et qu'il nous dit merci, c'est assez valorisant», conclut Martine Veillette.

Boutique Bois Urbain 1205, rue Fleury Est, Montréal

www.boisurbain.org

> Bois urbain et vos meubles

Bois Urbain fabrique des armoires de cuisine et de salle de bains, des meubles rustiques ou contemporains. L'entreprise restaure aussi des meubles en bois qui lui sont confiés, par le public notamment. Et elle accepte également les dons de meubles en bois massif.

Photo fournie par Bois Urbain

Dans les ateliers de Bois Urbain, on usine des meubles, on assemble des cuisines et on redonne une nouvelle vie à de vieux meubles.