L'enquête sur Yassin Salhi, qui a décapité son patron et perpétré un attentat en France vendredi, tente d'élucider les mobiles de cet homme de 35 ans qui a mis en scène son crime avec des références au djihadisme, mais qui nie avoir agi par motivation religieuse.

Alors que la mise en scène de son crime a jeté l'effroi en France, rappelant les exactions commises par le groupe armé État islamique (EI), Yassin Salhi a contesté pendant sa garde à vue «toute religiosité dans son passage à l'acte», a indiqué lundi une source proche du dossier.

Toutefois, a-t-elle poursuivi, «il ne s'explique pas» sur le fait que la tête de sa victime a été retrouvée fixée à un grillage et encadrée de deux drapeaux frappés de la «chehada», la profession de foi musulmane.

Il a aussi crié «Allah akbar!» («Dieu est le plus grand!») vendredi aux pompiers qui l'ont maîtrisé quand il tentait d'ouvrir des bouteilles de gaz dans une usine de Saint-Quentin-Fallavier, en région lyonnaise (centre-est).

Yassin Salhi est désormais interrogé dans les locaux de la police antiterroriste près de Paris, où il a été transféré dimanche.

Les enquêteurs ont établi que le macabre égoportrait envoyé vendredi vers un numéro canadien avec l'image de la tête de sa victime - son employeur âgé de 54 ans avec lequel il avait eu un différend deux jours avant son acte - avait pour destinataire un homme dans les zones de djihad irako-syriennes.

Ils pensent avoir identifié un djihadiste français combattant dans la région. Ce dernier, prénommé Yunes-Sébastien, est parti en novembre 2014 en Syrie, rejoignant les rangs de l'EI dans le secteur de Raqqa, selon des sources proches du dossier.

Yassin Salhi connaissait depuis 2006 Yunes-Sébastien, qui appartenait comme lui à une mouvance islamiste évoluant dans l'est de la France, a déclaré lundi l'une de ces sources.

En garde à vue avant d'être relâchées, la soeur et la mère de Yassin Salhi ont affirmé que ce dernier s'était lui-même rendu en Syrie en 2009, soit avant la guerre, selon une source proche du dossier.

Dimension personnelle?

Faute d'éléments matériels, les enquêteurs n'ont pu corroborer pour l'instant ces affirmations. Ils n'ont pas réussi à mettre la main sur le passeport de Yassin Salhi au cours d'une perquisition dimanche à son domicile de Saint-Priest, dans la banlieue lyonnaise.

Cet homme était connu depuis le milieu des années 2000 pour son radicalisme, qui lui avait valu d'être fiché entre 2006 et 2008 par les services de renseignement. Il avait de nouveau été repéré entre 2011 et 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste à Lyon.

Les premiers éléments de l'enquête ont soulevé la question de l'éventuelle dimension personnelle de son acte.

«Il y a sans doute (chez le suspect, NDLR) des motivations dont la réalité est personnelle, mais il y a une symbolique qui, elle, emprunte tout aux images les plus affreuses, les plus abjectes du terrorisme», a déclaré lundi le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve sur la radio Europe 1.

Un salarié de l'entreprise où il était chauffeur-livreur a fait état d'un différend d'ordre professionnel entre Yassin Salhi et son patron, Hervé Cornara, que le suspect a reconnu avoir tué dans un stationnement avant de perpétrer son attentat.

Les deux hommes auraient eu une altercation après que Yassin Salhi avait fait tomber une palette de matériel informatique, s'attirant une remarque d'Hervé Cornara. Il travaillait depuis mars dans l'entreprise gérée par M. Cornara.

Des membres de l'entourage du chauffeur-livreur ont décrit un homme au comportement parfois agressif et violent, et qui évoquait souvent le thème de l'islam.

La France, déjà frappée en janvier par des attentats djihadistes au lourd bilan de 17 morts, fait face à «une menace terroriste majeure», a averti dimanche le premier ministre socialiste Manuel Valls. «La question n'est pas de savoir s'il y aura un nouvel attentat, mais quand», a-t-il averti.

Intervenant dans une émission d'informations de trois grands médias français, M. Valls a parlé de «guerre de civilisation» face «au terrorisme islamiste».