Avec le départ du chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson, le secrétaire de la Défense Jim Mattis a perdu un allié et apparait désormais comme la voix de la modération au sein de l'administration de Donald Trump.

Général des Marines à la retraite, M. Mattis, 67 ans, avait forgé un lien étroit avec M. Tillerson: sa résidence officielle est située juste à côté du département d'État et les deux hommes se retrouvaient régulièrement autour d'un petit-déjeuner.

«J'informe M. Tillerson des facteurs militaires. Et nous nous assurons qu'à la fin de nos réunions, le département d'État et celui de la Défense sont étroitement liés, et que nous pouvons faire une recommandation claire» au président, déclarait M. Mattis en mai sur CBS.

Dans une brève allocution après son limogeage, Rex Tillerson a longuement remercié le Pentagone, citant notamment M. Mattis et le chef d'état-major américain Joe Dunford, pour leur coopération.

«On me dit que c'est la première fois depuis très longtemps que les départements d'État et de la Défense ont une relation de travail aussi étroite, où tout le monde s'accorde sur le fait que le leadership américain repose sur la diplomatie», a-t-il tenu à souligner, alors qu'il n'a pas mentionné une seule fois Donald Trump.

Mais contrairement à M. Tillerson et au conseiller à la sécurité nationale H.R. McMaster, régulièrement donné comme partant par les médias américains en raison de ses mauvaises relations avec M. Trump, Jim Mattis paraît avoir réussi à conserver une relation privilégiée avec le président américain, même lorsqu'il n'est pas d'accord avec lui.

Pour éviter toute friction avec une présidence aux accents de télé-réalité, il a toujours soigneusement évité les projecteurs, choisissant les bureaux des journalistes couvrant régulièrement le Pentagone pour donner des conférences de presse improvisées, alors qu'il dispose d'une salle avec tout l'équipement pour un briefing télévisé.

Lorsqu'il voyage à l'étranger, accompagné d'un petit groupe de journalistes, il prend toujours soin d'éviter tout commentaire personnel sur Donald Trump - même en privé - et insiste toujours sur le fait que les décisions politiques ne lui appartiennent pas.

Prudence extrême

Signe de sa prudence extrême, M. Mattis est resté totalement silencieux sur le limogeage de son plus proche allié au sein du gouvernement alors qu'il est actuellement en visite en Afghanistan, accompagné de plusieurs journalistes.

«Pas de commentaire», s'est borné à déclarer son porte-parole, Jeff Davis.

Quand M. Trump ne suit pas sa recommandation, comme pour les taxes sur l'acier auxquelles M. Mattis s'est opposé dans une lettre au ministère du Commerce en février, estimant qu'elles représenteraient un «risque pour la sécurité nationale» des États-Unis, le ministre de la Défense opte pour le silence.

Mais il n'hésite pas à exprimer son désaccord sur les sujets sensibles comme l'accord nucléaire iranien, que M. Trump considère comme «horrible» et veut dénoncer.

Questionné à ce sujet au Congrès en octobre, M. Mattis soulignait que cet accord international ayant abouti au gel du programme nucléaire iranien était «dans l'intérêt national» des États-Unis.

Et son commandant des forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph Votel, indiquait encore mardi - après le limogeage de Rex Tillerson - que cet accord «résout une des principales menaces auxquelles nous sommes confrontés de la part de l'Iran».

«Si l'accord disparait, nous devrons trouver une autre façon de nous occuper du programme d'armement nucléaire» iranien, a-t-il ajouté.

Sur ce sujet, comme sur la Corée du Nord, où le Pentagone soulignait avec insistance l'importance de la diplomatie lorsque M. Trump adoptait un ton de plus en plus guerrier, M. Mattis va devoir maintenant traiter avec le nouveau chef de la diplomatie Mike Pompeo, qu'il connait bien puisque l'actuel patron de la CIA participe régulièrement, comme lui, aux réunions de sécurité nationale à la Maison-Blanche.

Ancien militaire lui aussi mais jamais au combat, contrairement à M. Mattis qui a combattu en Afghanistan et en Irak, Mike Pompeo s'est fait l'écho du ton agressif et parfois guerrier prisé par le président, en promettant une CIA plus «brutale», notamment face à l'Iran et à la Corée du Nord.