En prenant ses distances avec la solution à deux États pour régler l'un des plus vieux conflits du globe, Donald Trump a ravi la droite israélienne, alarmé les Palestiniens et de nouveau semé la confusion sur ses intentions.

En recevant le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le président américain a annoncé mercredi que Washington, acteur historique de l'effort de paix entre Israéliens et Palestiniens, ne s'accrochait plus à la solution dite à deux États, à savoir la création d'un État palestinien qui coexisterait avec Israël.

Cependant, dès jeudi, l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU Nikki Haley a nuancé ces déclarations, ajoutant à l'impression de cafouillage projetée par la nouvelle administration Trump.

«Nous soutenons absolument une solution à deux États, mais nous songeons aussi à des alternatives», a déclaré Mme Haley, une novice en politique étrangère, après une réunion du Conseil de sécurité sur le Proche-Orient.

Quant à l'ambassadeur que Donald Trump a nommé en Israël, l'avocat juif américain David Friedman, très controversé pour ses positions radicales en faveur de la colonisation et hostiles aux Palestiniens, il a reconnu devant le Sénat américain chargé de sa confirmation qu'il n'avait «pas de meilleure option» que la solution à deux États, tout en se disant «sceptique» sur cette voie de règlement du conflit.

Les propos du président Trump ont rompu avec un principe directeur de la diplomatie américaine adopté par ses prédécesseurs depuis au moins 2001. La solution à deux États est aussi la référence d'une grande partie de la communauté internationale, de l'ONU à la Ligue arabe, en passant par l'Union européenne.

Déclaration floue 

Mais le flou de cette déclaration de rupture a semé le trouble.

Le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault a estimé que le positionnement des États-Unis était «très confus et préoccupant» et que l'option à un seul État, évoquée aussi par son homologue américain Rex Tillerson lors de leur entrevue jeudi en Allemagne, n'était «pas réaliste».

«La solution à deux États reste la seule voie», a abondé l'émissaire de l'ONU pour la paix au Proche-Orient, Nickolay Mladenov.

M. Trump avait redit mercredi sa volonté de présider à un accord entre Israéliens et Palestiniens, «vraiment, un formidable accord de paix». Mais sans préciser comment il s'y prendrait, là où ses prédécesseurs ont échoué, sinon pour évoquer une approche régionale préconisée par M. Netanyahu «avec beaucoup, beaucoup de pays».

Comment associer les pays arabes à une entreprise de paix qui n'aboutirait pas à un État palestinien indépendant, s'interrogeaient des experts, perplexes.

Le conflit nécessite «une paix juste et globale fondée sur une solution à deux États avec un État palestinien indépendant», a répondu Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue arabe, organisation qui a endossé l'initiative de paix arabe prévoyant la création d'un État palestinien souverain.

«Que faire?» 

Du côté palestinien, l'inquiétude est vive, même si la présidence palestinienne a choisi la prudence.

Elle a répété son «attachement à la solution à deux États» et s'est dite prête à coopérer avec l'administration Trump pour la paix. «Ce que nous retenons, c'est que Trump dit qu'il veut la paix», a déclaré à l'AFP Hossam Zomlot, conseiller du président Mahmoud Abbas, s'en prenant à Israël mais pas au président américain.

Pour le politologue Jihad Harb, la direction palestinienne ne peut pas engager un bras de fer avec M. Trump et n'a d'autre horizon qu'une confrontation diplomatique avec Israël, que les États-Unis pourraient lui faire payer cher, ou un soulèvement populaire aux conséquences imprévisibles.

Les craintes palestiniennes s'exprimaient dans un éditorial du quotidien al-Quds. «Après plus de vingt années passées à négocier et après avoir accepté de ne conserver que 22% de la Palestine historique, la grande question est: que devons-nous faire?».

Les dirigeants palestiniens favorables à la négociation avec Israël répètent que faute d'État palestinien, la seule possibilité est un État élargi à la Cisjordanie, déjà occupée par Israël, et à Jérusalem-Est, que les Palestiniens revendiquent comme future capitale mais qu'Israël a annexée.

Les juifs y auraient plus de droits que les Palestiniens, ce qui reviendrait à un régime d'apartheid, disent-ils.

Le contraste était saisissant du côté de la droite israélienne.

«La fin d'une idée dangereuse et erronée: celle de la création d'un État terroriste palestinien au coeur de la terre d'Israël», a jubilé le ministre des Sciences Ofir Akunis, réitérant la revendication juive sur la Cisjordanie au nom de la Bible.

M. Trump a dit «tout ce que les Israéliens ont toujours voulu entendre de la part d'un président américain», a déclaré un collaborateur de M. Netanyahu, Michael Oren.

«Prétendre que la solution à deux États était la seule solution confinait à l'absurde».