Il y avait du linge aux fenêtres, les enfants jouaient dans la rue et les femmes cuisinaient sur leur pas de porte. Quelques mois plus tard, toute vie a disparu dans ce quartier de Pékin jadis peuplé de migrants, à l'heure où la municipalité mène une opération controversée d'expulsions.

La capitale chinoise entend limiter sa population à 23 millions d'habitants d'ici 2020 (contre environ 21 actuellement). Pour y arriver, elle cherche à faire partir les provinciaux modestes et peu qualifiés.

Le quartier de Houchangcun, dans le nord-ouest de Pékin, fait partie de la myriade de zones d'habitation transformées ces derniers mois en villages fantômes. La ville fait fermer ou démolir les constructions qu'elle considère illégales ou dangereuses.

Les expulsions ont redoublé depuis le mois dernier, après un incendie qui a fait 19 morts en banlieue. Les autorités ont alors opportunément décrété la démolition des bâtiments à risque.

Mais beaucoup d'habitants n'ont droit qu'à quelques jours pour faire leurs valises, voire quelques heures. Des méthodes expéditives qui suscitent un tollé dans le glacial hiver chinois.

Le pays compte des dizaines de millions de travailleurs venus des campagnes. Ils occupent souvent dans les villes des emplois peu qualifiés: déménageurs, petits commerçants, livreurs, ouvriers du BTP... Moteurs de l'essor économique du pays, ils sont souvent traités en citoyens de seconde zone.

Tout a disparu

En août à Houchangcun, des hommes torse nu lavaient encore des légumes, se brossaient les dents ou prenaient leur douche au milieu des ruelles, avait constaté l'AFP.

Les minuscules maisons de plain-pied où ils habitaient ont depuis été désertées, des ordures jonchent le sol et les feuilles mortes ont envahi les allées jadis parcourues d'enfants, de vélos et de scooters électriques.

Les portes vertes et brunes des habitations du quartier sont closes: dessus, de longs scellés en papier blanc ont été collés, mentionnant les dates d'expulsion.

Les tables utilisées par les migrants pour placer leurs bols et leurs articles de toilette ont disparu. Même les robinets ont été arrachés des murs.

Beaucoup des habitants étaient déménageurs. Et Zhang Zhanrong, une mère de famille trentenaire qui avait monté sa propre entreprise, employait de nombreux voisins.

Elle vivait dans une bicoque de briques d'une seule pièce avec son mari et son fils et servait le dîner sur une petite table placée près d'un lit et d'une grande armoire.

Le matelas est maintenant debout contre un mur. Et la cuisinière de fortune qu'elle partageait avec sa voisine sur le pas de sa porte a été emportée.

Aucune indemnité ?

Mais un couple habite toujours le quartier. Il passe ses journées assis sur des couvertures, étalées sur un toit en tôle ondulée.

«On n'a pas de chauffage. Il fait plus chaud ici au soleil», explique le mari, qui ne souhaite pas révéler son nom. Il explique attendre le versement de son dernier salaire d'agent d'entretien avant de quitter la capitale pour de bon.

La plupart des habitants étaient originaires du même village montagneux de la municipalité de Chongqing (sud-ouest). Les expulsés interrogés par l'AFP disent n'avoir reçu aucune indemnité. Ils estiment avoir peu d'espoir de gagner leur vie dans leur localité d'origine.

«Ça ne sert à rien de protester», déclare une femme. «Tout aura disparu tôt ou tard de toute façon.»