Ces dernières semaines, le pape a rencontré des représentants chinois et vietnamiens, alors que les ponts étaient coupés depuis la naissance des deux régimes communistes. Pour ces derniers, il est difficile d'envisager la liberté de culte et, surtout, l'obédience des évêques au Vatican, un pouvoir étranger, occidental de surcroît. Comment opère-t-il ce rapprochement ?

COURTISER LES PRÉSIDENTS

Le pape François a reçu cette semaine le président vietnamien, Trân Dai Quang, au Vatican pour un « entretien amical ». Cette visite, la première d'un chef d'État des pays communistes asiatiques, suit trois années ponctuées par la relation épistolaire du pape avec Xi Jinping, le président de la Chine. Après leur élection, à quelques semaines de distance au début de 2013, ils s'étaient tous deux envoyé des lettres personnelles de félicitations. Le pape a innové à l'été 2014 en envoyant un message à Xi alors qu'il survolait la Chine, en route pour Séoul, avant de lui envoyer une invitation à une rencontre, la première lancée par un pape. Depuis, deux rencontres ont failli avoir lieu lors de conférences internationales, la dernière en date à l'ONU, il y a un an. Et cet automne, Xi Jinping a envoyé un « cadeau », dont la nature n'a pas été précisée, à François.

NOMMER UN CARDINAL QUI DISCUTERA AVEC LE VIÊTNAM

L'an dernier, un cardinal vietnamien a été nommé, Pierre Nguyên Van Nhon, archevêque de Hanoi. Il est beaucoup plus jeune que l'autre cardinal vietnamien, qui a 81 ans et a été nommé en 2003. Les vaticanistes ont fait un lien entre la nomination de Mgr Nguyên et la visite, l'année précédente, d'une délégation vietnamienne à la nomination de Pietro Parolin au collège des cardinaux, une première en pays communiste. Mgr Parolin a été le principal artisan du rapprochement entre Rome et Hanoi, qui a débuté voilà 25 ans et s'est accéléré avec la création d'un groupe de travail conjoint, en 2009, qui s'est réuni pour la sixième fois le mois dernier. À titre de comparaison, le seul cardinal chinois, Joseph Zen de Hong Kong, est souvent critique à l'endroit de Pékin et le Vatican a dû à deux reprises depuis 30 ans recourir à la nomination secrète de cardinaux, dite in pectore.

S'ENTENDRE SUR LA NOMINATION D'ÉVÊQUES

Le modèle est simple : les évêques nommés par le Vatican et ceux de l'Église officielle chinoise, non reconnus par le Vatican, s'entendent sur des prêtres candidats à l'épiscopat, dressant une liste où le Vatican choisit ses prochains évêques. C'est l'approche appliquée au Viêtnam depuis 2011. Mais après l'annonce d'une entente imminente, en août dernier, par l'archevêque de Hong Kong, Joseph Zen, la Chine semble faire marche arrière avec la nomination au début du mois de novembre d'un autre évêque catholique non reconnu par le Vatican. « La Chine semble tenir à ce que les huit évêques nommés par l'Église officielle soient reconnus, ce qui est inacceptable pour le Vatican », expliquait récemment John Allen, vaticaniste du site américain Crux. Le Vatican a nommé une cinquantaine d'évêques chinois. En 2012, une nomination conjointe avait été faite, celle de Mgr Thaddeus Ma Daquin de Shanghai, mais il a depuis fait des vagues en dénonçant l'Église officielle du gouvernement chinois, puis en s'en rapprochant.

PENDANT CE TEMPS, LA CHINE FERME DES ÉGLISES

Depuis deux ans, plus de 2000 églises et temples chrétiens ont été fermés en Chine, selon l'ONG américaine Open Doors USA. Parfois, il s'agissait d'assemblées dans la demeure d'un pasteur protestant. Le régime communiste a de plus enlevé les croix de 1200 églises, surtout dans le centre-est du pays, où se concentrent les chrétiens catholiques et protestants. Une nouvelle loi chinoise adoptée cet automne, qui prévoit notamment une amende salée pour les prêtres non autorisés organisant des messes, laisse craindre un durcissement de la répression religieuse dans l'empire du Milieu. Deux évêques sont emprisonnés depuis respectivement 15 et 19 ans.