Plus de 120 manifestants ont été interpellés mardi en Birmanie par la police qui a violemment dispersé une marche d'étudiants protestant contre une réforme de l'éducation jugée non démocratique, à quelques mois d'élections législatives clefs.

Le ministère de l'Information a fait état dans la soirée de 127 arrestations à l'issue de la dispersion de cette marche bloquée depuis une semaine à Letpadan, dans le centre du pays, et dont la répression rappelle les heures noires de la junte militaire autodissoute en 2011.

La police avait dans un premier temps fait état de 70 interpellations, les organisateurs en évoquant déjà une centaine.

«Certains ont été blessés pendant la répression et ont été emmenés à l'hôpital», a déclaré la police, précisant que 16 policiers avaient été blessés par des jets de pierres.

Des journalistes de l'AFP sur place ont vu la police réprimer les étudiants à coups de matraque et emmener de nombreux manifestants à bord de camions.

«La police nous a battus», a déclaré à l'AFP par téléphone un des manifestants réfugiés dans un monastère proche, précisant que plusieurs étudiants avaient été blessés. «Nous ne pouvons pas accepter ce genre de répression», a-t-il ajouté.

Les policiers antiémeutes sont allés jusqu'à entrer dans ce monastère bouddhiste.

L'ONG Human Rights Watch a dénoncé «un usage excessif de la force» et «un retour aux mauvais jours de la Birmanie», en référence à l'époque de la junte militaire qui ne tolérait aucune contestation.

Ye Htut, porte-parole du gouvernement, composé de nombreux anciens responsables de la junte convertis aux réformes en 2011, a justifié l'action des policiers «car les manifestants les ont attaqués et ont brisé les barrières» qui les empêchaient de poursuivre leur marche.

Mardi soir, le site avait été vidé de ses manifestants, selon des journalistes de l'AFP sur place.

Ces quelque 150 étudiants, qui marchaient sur Rangoun depuis plusieurs semaines, avaient été bloqués par la police à environ 130 kilomètres de la principale ville du pays.

Ils jugent la réforme de l'éducation antidémocratique et réclament des changements, dont la décentralisation du système éducatif, la possibilité de créer des syndicats et un enseignement dans les langues des nombreuses minorités ethniques du pays.

La tension est montée d'un cran mardi matin lorsque les étudiants ont tenté de briser le cordon de police déployé autour du monastère. Les manifestants estiment que les autorités n'ont pas respecté un accord conclu entre les deux parties et qui permettait la poursuite de la marche.

Il y a quelques jours la police avait déjà violemment réprimé dans le centre de Rangoun une manifestation de soutien aux étudiants. Une répression que les autorités avaient ensuite justifiée, estimant que les protestataires avaient «répliqué».

Le militantisme étudiant est une importante force politique en Birmanie et les jeunes ont été à la tête de plusieurs soulèvements à l'époque de la junte, dont celui de 1988.

Le pays est sorti en 2011 de décennies de régime militaire autoritaire et a depuis lancé de nombreuses réformes. Mais les observateurs craignent un rétropédalage des autorités avant les législatives de fin 2015 pour lesquelles le parti de l'opposante Aung San Suu Kyi est donné favori.

L'UE «regrette profondément» la répression

L'Union européenne «regrette profondément» la répression d'une marche étudiante en Birmanie, a indiqué mardi le service diplomatique de l'UE, à quelques mois d'élections législatives clefs pour la suite des réformes dans ce pays.

«L'Union européenne suit avec préoccupation les affrontements récents survenus lors de manifestations et regrette profondément l'usage de la force contre des manifestants pacifiques», a déclaré une porte-parole, Maja Kocijancic.

La porte-parole a estimé que des «progrès» avaient été accomplis en matière de démocratie et de droits de l'Homme, mais qu'il restait de «nombreux défis». «L'UE reste déterminée à soutenir les changements positifs en Birmanie, notamment le processus de réforme de la police».

L'UE mène dans ce pays un projet de formation de la police afin de «l'aligner sur les meilleures pratiques et standards internationaux», a rappelé Mme Kocijancic. L'entraînement «se focalise sur les méthodes pour gérer des foules pacifiques dans le plein respect des droits de l'Homme».

Depuis le début de la mission, «des progrès ont été enregistrés» et «une approche différente» de la part des unités formées par les Européens «a été reconnue», y compris par les organisations de défense des droits de l'Homme, a-t-elle souligné. «Mais le changement ne se produit pas en une nuit, il requiert un changement de mentalité, et les récents événements confirment la nécessité de poursuivre les réformes», a estimé l'UE.