À moins d'une semaine de l'anniversaire des émeutes d'Urumqi, les autorités chinoises ont organisé samedi une impressionnante démonstration de force militaire dans la capitale du Xinjiang, l'immense région du Nord-ouest chinois ensanglantée cette semaine par de nouveaux affrontements entre Chinois de souche et Ouïghours turcophones, a constaté l'AFP.

À la surprise générale de la population, des milliers d'hommes en armes, casqués et en tenue de camouflage ont soudain verrouillé vers 19 h (11 h GMT) le centre d'Urumqi, appuyés par plus de cent véhicules blindés équipés de mitrailleuses lourdes, bloquant l'accès à la place centrale, la «Place du peuple», sur laquelle s'est déroulé un exercice.

«Je n'avais jamais vu une chose pareille», a déclaré un habitant de la ville, distante de quelque 3000 km de Pékin, dans l'ouest de la Chine.

La démonstration de force a eu lieu à l'approche de l'anniversaire des émeutes, déclenchées le 5 juillet, à caractère ethnique entre Chinois de souche et Ouïghours, la population turcophone du Xinjiang, qui avaient fait quelque 200 morts en 2009 à Urumqi, les incidents les plus sanglants au Xinjiang depuis la révolution culturelle (1966-76).

Elle intervient au terme d'une semaine de violences meurtrières au Xinjiang, où une attaque qualifiée de «terroriste» par les autorités chinoises a fait mercredi 35 morts à Lukqiu, à 250 km au sud-est d'Urumqi, suivie vendredi d'une émeute à Hotan, à quelque 1.500 km au sud-ouest de la capitale régionale, selon la presse officielle et Radio Free Asia, une radio financée par le gouvernement américain.

Les unités militaires mobilisées samedi à Urumqi pour cet exercice semblaient être composées principalement d'unités de la Police armée, une unité paramilitaire équivalant à une gendarmerie et disposant d'équipements lourds, difficile à distinguer de l'Armée populaire de libération (APL).

Les hommes de plusieurs unités avaient des équipements antiémeutes.

Des milliers de badauds se sont massés aux abords de cette place d'Urumqi, agglomération de plus de deux millions d'habitants nettement divisée entre ses parties chinoise et ouïghoure-, tentant d'apercevoir les militaires à l'exercice, dont les effectifs étaient évalués à plusieurs milliers.

La foule a pu entendre la clameur de leurs slogans martiaux scandés à pleins poumons, sans pouvoir les voir.

Nombre d'habitants se sont interrogés sur les raisons de cette démonstration de force, qui s'est terminée peu après 20 h 30 (12 h 30 GMT).

«Le gouvernement régional se prépare en vue de répondre à toute éventualité à l'approche du quatrième anniversaire» des émeutes, avait annoncé vendredi le quotidien officiel Global Times.

Toutefois, dans les rues des quartiers ouïghours d'Urumqi, en dehors des nombreuses patrouilles de policiers, aucun signe de nervosité particulière de la population n'était décelable, ont constaté un photographe et une vidéaste de l'AFP.

Urumqi est une cité où les Ouïghours sont désormais minoritaires en raison de la pression démographique chinoise.

À Hotan vendredi, plus de cent émeutiers, qualifiés de «terroristes», sont descendus en ville, «attaquant de nombreuses personnes avec des armes après s'être rassemblés sur des lieux de culte», selon le Global Times de samedi.

Radio Free Asia a annoncé que la police avait tiré sur les émeutiers et «fait au moins deux morts et un blessé», mais le site internet officiel chinois Tianshan Web a affirmé pour sa part qu'aucun civil n'avait été blessé ni tué.

Les «terroristes, conduisant des motos, ont utilisé des couteaux comme armes et attaqué un commissariat de police», a ajouté le Global Times, assurant que la situation est maintenant «sous contrôle».

Selon Radio Free Asia, les Ouighours se sont insurgés contre la police qui s'était «introduite en force dans une mosquée et l'avait encerclée» pendant un office la semaine dernière.

À Lukqiu mercredi, une foule d'émeutiers armés de couteaux a attaqué à l'aube les postes de police et les autres bâtiments officiels, selon l'agence de presse officielle Chine nouvelle.

Le bilan est de 35 morts, dont 11 émeutiers abattus, a écrit l'agence, mais Radio Free Asia a fait état jeudi d'un bilan plus lourd encore de 46 morts, citant des responsables et des habitants sur place.

À Urumqi, le 5 juillet 2009 et les trois jours suivants, des émeutes d'une rare violence, accompagnées de scènes de lynchage, avaient vu s'affronter la population ouïghoure aux Chinois Han «de souche».

Les Han, arrivés par millions ces dernières décennies dans la région, sont à l'origine d'un sentiment de marginalisation des autochtones, le plus souvent musulmans.

Selon les chiffres officiels, 46% des habitants du Xinjiang sont des Ouïghours, soit une dizaine de millions, et 39% des Han, l'ethnie dominante chinoise.