La Corée du Nord a de nouveau agité mardi le spectre d'une guerre «thermo-nucléaire» et appelé les étrangers en Corée du Sud à envisager leur départ du pays, après avoir mis à exécution sa menace de retirer ses 53 000 employés du site intercoréen de Kaesong.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a lancé un appel à l'apaisement mardi depuis Rome en jugeant le niveau des tensions «très dangereux».

«Un petit incident pourrait déclencher une situation incontrôlable», a averti M. Ban devant la presse après avoir rencontré les autorités politiques italiennes et le nouveau pape François.

Il réagissait aux dernières menaces de la Corée du Nord selon laquelle «la péninsule coréenne se dirige vers une guerre thermo-nucléaire».

Le Comité nord-coréen pour la paix en Asie-Pacifique, un organe de propagande, a exhorté «toutes les organisations étrangères, les entreprises et les touristes à préparer des mesures d'évacuation».

Pyongyang, qui a récemment installé deux missiles de moyenne portée sur sa côte est, avait annoncé vendredi qu'il ne pourrait plus garantir la sécurité des missions diplomatiques à compter du 10 avril, suggérant l'imminence d'un tir de missile ou d'un essai nucléaire.

Aucun des pays possédant une mission à Pyongyang n'a cependant estimé nécessaire d'évacuer son personnel, rejetant ces menaces comme des gesticulations.

«Il n'y a pas de risque immédiat pour les ressortissants britanniques en Corée du Sud», a indiqué mardi un porte-parole de l'ambassade du Royaume-Uni à Séoul.

La péninsule coréenne connaît un regain de tension depuis le lancement réussi d'une fusée nord-coréenne en décembre dernier, considéré comme un test de missile balistique.

La situation s'est encore aggravée après un troisième essai nucléaire en février et des manoeuvres militaires conjointes en cours entre les États-Unis et la Corée du Sud.

La Corée du Nord a transporté en train, en début de semaine dernière, deux missiles Musudan et les a installés sur des véhicules équipés d'un dispositif de tir, selon Séoul.

Avec une portée estimée de 3000 à 4000 km, le Musudan aurait la capacité d'atteindre la Corée du Sud et le Japon, voire Guam, île américaine du Pacifique.

Le Japon a indiqué mardi avoir déployé des missiles Patriot dans le centre de Tokyo pour faire face à tout tir qui menacerait l'archipel, et des batteries d'intercepteurs seront installées sur l'île d'Okinawa (sud). L'armée a reçu l'ordre formel d'intercepter d'éventuels missiles.

53 000 employés retirés de Kaesong

Selon l'agence de presse sud-coréenne, le Nord est désormais prêt à envoyer un missile. «Techniquement, il peut tirer (le projectile) demain», a confié à Yonhap un haut responsable militaire ayant requis l'anonymat.

Le puissant allié chinois de la Corée du Nord, qui, agacé de n'être pas entendu, avait voté les dernières sanctions à l'ONU, l'a encore enjointe mardi d'apaiser les tensions, expliquant ne pas vouloir «voir de chaos à sa porte».

La Maison-Blanche avait auparavant salué les efforts de la Chine et de la Russie.

«Nous continuerons d'oeuvrer avec nos partenaires chinois, russes et d'autres (pays) pour obtenir de la Corée du Nord qu'elle respecte ses obligations internationales», a déclaré le porte-parole de la présidence américaine lundi.

Le numéro deux du Pentagone Ash Carter pense toutefois que la Chine «pourrait jouer un rôle plus important pour influer sur la Corée du Nord».

En fin de semaine dernière, Washington a joué l'apaisement en annonçant le report d'un essai de missile en Californie (ouest).

Engagée depuis le début de l'année dans une surenchère verbale et militaire dont nul ne semble savoir où elle s'arrêtera, la Corée du Nord a par ailleurs mis à exécution mardi sa menace de retirer ses 53.000 employés du site industriel intercoréen de Kaesong, situé sur son sol.

Souvent présentée comme une expérience modèle de rapprochement intercoréen, la «région administrative spéciale de Corée du Nord» créée en 2004 à Kaesong est devenue une pièce stratégique sur l'échiquier coréen.

Depuis mercredi dernier, le Nord y interdit l'accès au personnel sud-coréen et aux camions de livraison.

Pour l'heure, 13 des 123 entreprises sud-coréennes présentes sur le site ont interrompu leur production faute de matières premières mais le retrait des ouvriers nord-coréens devrait paralyser très vite l'ensemble du site.

«Nous risquons tous la faillite», a averti Yu Chang-Geun, vice-président de l'association des entreprises sud-coréennes de Kaesong, un complexe qui est une précieuse source de devises étrangères pour l'économie exsangue de la Corée du Nord.

La présidente sud-coréenne Park Geun-Hye s'est déclarée mardi «très déçue», prédisant que «plus aucun pays, ni aucune entreprise n'investiraient en Corée du Nord».

Le ministère de l'Unification s'est engagé à «garantir la sécurité de ses citoyens et la protection de sa propriété».

Washington a de son côté jugé la mesure «regrettable».

«Cela ne va pas aider (la Corée du Nord) à atteindre son objectif affiché d'améliorer l'économie et la vie de sa population», a déclaré le département d'État.

Un haut responsable européen a confié mardi à Bruxelles que l'Union européenne envisageait la possibilité de durcir les sanctions contre la Corée du Nord si Pyongyang continuait à faire monter la tension et effectuait un nouveau tir de missile ou essai nucléaire.