La Corée du Nord s'est vantée mardi de posséder des missiles stratégiques capables de frapper le territoire des États-Unis, un coup de «bluff», selon plusieurs experts, répondant à l'accord conclu dimanche entre Washington et Séoul pour augmenter la portée des missiles sud-coréens.

«L'armée révolutionnaire (de Corée du Nord), y compris ses forces de missiles stratégiques, ont placé à portée de tir non seulement les forces américaines dans la péninsule coréenne, mais aussi le Japon, Guam (territoire américain du Pacifique, ndlr) et même le territoire des États unis», a affirmé le porte-parole de la Commission de la Défense nationale dans un communiqué diffusé par l'agence officielle de presse nord-coréenne KCNA.

Pyongyang, a-t-il ajouté, se tient prêt à affronter n'importe quel ennemi, «capacité nucléaire contre capacité nucléaire, missile contre missile».

Plusieurs experts sud-coréens interrogés par l'AFP estiment qu'il s'agit sans doute d'un énième «coup de bluff» de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) qui va d'échec en échec dans ses efforts pour développer des missiles intercontinentaux.

«Il n'y a aucune preuve que la Corée du Nord ait réussi un test de missile d'une portée suffisante pour frapper le territoire américain», a ainsi expliqué Yun Duk-Min, professeur à l'Académie nationale de diplomatie à Séoul.

Pyongyang pourrait chercher à «remonter le moral de son armée et rassembler (les Nord-Coréens) derrière (leur nouveau dirigeant) Kim Jong-Un», selon lui.

«L'armée nord-coréenne souffre d'une baisse de discipline et le mécontentement populaire grandit à cause de l'aggravation de la pénurie alimentaire après les catastrophes naturelles de cet été», a ajouté M. Yun en référence à la sécheresse suivie d'inondations qui ont nui aux récoltes.

Signe de cette démobilisation, trois soldats nord-coréens ont déserté et franchi la frontière ultra-sécurisée depuis le mois d'août alors que la dernière remontait à 2010 et que les soldats qui sont postés sur cette frontière sont réputés issus des familles les plus loyales au régime.

«De leurs auditions, il ressort un grave relâchement de la discipline en ce moment au sein de l'armée du Nord», a confié une source officielle à l'agence de presse Yonhap.

Les menaces nord-coréennes répondent à l'annonce dimanche par Séoul de la conclusion d'un accord avec Washington lui permettant de presque tripler la portée de ses missiles balistiques, qui couvriront ainsi la totalité de la Corée du Nord.

La portée des missiles sera étendue à 800 km, contre 300 km actuellement.

Les États-Unis comptent 28 500 soldats sur le territoire sud-coréen et lui garantissent un «parapluie nucléaire» en cas d'attaque. En échange, Séoul avait accepté de limiter la portée de ses missiles, en 2001, afin d'apaiser les tensions sur la péninsule.

Mais au regard des ambitions nucléaires et balistiques de Pyongyang, Séoul plaidait pour un allongement de la portée des missiles et les négociations s'étaient accélérées après le lancement - raté - d'une fusée nord-coréenne en avril dernier.

La fusée - un Taepodong-2 d'une portée de 6700 km, selon les experts - devait mettre sur orbite un satellite à usage civil selon Pyongyang, mais Séoul, Washington et leurs alliés y voyaient une nouvelle étape dans la mise au point d'un missile à tête nucléaire.

La Corée du Nord cherche depuis des décennies à affiner sa technologie en la matière. Ses essais se sont toutefois avérés peu concluants.

Pyongyang a par ailleurs réalisé en 2006 et 2009 deux essais nucléaires qui lui ont valu de lourdes sanctions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Le régime communiste possède également 800 missiles mobiles parmi lesquels 600 Scud présentant un danger immédiat pour la Corée du Sud. Nombre de spécialistes estiment toutefois qu'il ne dispose pas encore de la technologie suffisante pour nucléariser un missile.

De ce fait, observe Baek Seung-Joo, de l'Institut sud-coréen d'analyses de défense, «le Nord a dû être abasourdi par l'annonce de dimanche» qui permettra à Séoul de lancer des «frappes préventives, chirurgicales contre les neuf bases de lancement de missile nord-coréennes si nécessaire».