Le Premier ministre modéré Almazbek Atambaïev a annoncé sa victoire dès le premier tour de la présidentielle au Kirghizistan sous haute tension, son principal adversaire nationaliste refusant de reconnaître sa défaite et dénonçant des fraudes.

«Nous avons plus d'un million de voix (sur 3,34 millions d'électeurs, ndlr). C'est suffisant pour gagner au premier tour», a annoncé l'état-major de M. Atambaïev.

M. Atambaïev a obtenu 63% des voix, selon un décompte portant sur 95 des bureaux de vote, selon la commission électorale centrale. Ses principaux adversaires, les nationalistes Kamtchybek Tachiev et Adakhan Madoumarov, ont obtenu respectivement 14,4% et 14,9% des voix.

L'état-major de M. Tachiev a accusé la commission électorale centrale d'«inventer sans aucune honte des chiffres qui n'ont rien à voir avec la réalité».

«Les autorités ont inventé à l'avance les chiffres qui les arrangent. Nous n'avons pas l'intention de reconnaître cette élection», a déclaré à l'AFP Nourgazy Anarkoulov, porte-parole de M. Tachiev.

M. Tachiev, ex-boxeur et leader du parti nationaliste Ata Jourt qui avait d'ores et déjà menacé de faire sortir ses partisans dans la rue en cas de fraudes «annoncera ce qu'il a l'intention de faire lundi lors d'une conférence de presse», a-t-il ajouté.

L'état-major de l'autre candidat nationaliste, Adakhan Madoumarov a pour sa part affirmé que le premier ministre Atambaïev avait abusé de sa position pendant la campagne électorale.

«Nous allons attendre les résultats définitifs et ensuite décider des mesures à prendre», a déclaré à l'AFP Oumout Moukanbetova, représentante de l'état-major de M. Madoumarov.

Dès la fermeture des bureaux de vote à 13H00 GMT, M. Madoumarov avait dénoncé «des violations sans précédent» au cours du scrutin.

«Aujourd'hui, nous assistons à des violations de la procédure sans précédent et nous sommes prêts à défendre les voix et les droits de nos électeurs par tous les moyens légaux», a-t-il déclaré ajoutant que «des centaines de milliers d'électeurs» n'avaient pas trouvé leur nom sur les listes électorales.

Le ministre de l'Intérieur Zarylbek Ryssaliev a d'ores et déjà annoncé à la télévision kirghize que les forces de l'ordre étaient «prêtes à faire face à d'eventuels troubles».

Cette présidentielle est un test crucial pour le Kirghizistan qui n'a jamais vécu de transfert pacifique du pouvoir depuis son indépendance en 1991, connaissant en mars 2005 puis en avril 2010 deux révolutions sanglantes et des violences ethniques meurtrières (juin 2010, 470 morts), qui ont surtout visé la minorité ouzbèke dans le Sud du pays.

La présidente par intérim Rosa Otounbaïeva, qui a réussi tant bien que mal à empêcher l'implosion du pays depuis la révolution, a appelé dimanche les électeurs à préserver la paix fragile.

«Il y a un an nous étions au bord du gouffre. Maintenant, nous connaissons le prix de l'unité», a-t-elle souligné.

Doug Wake, directeur adjoint du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE (BIDDH) a salué «le grand intérêt» des électeurs kirghiz pour ce scrutin «d'une importance historique».

Il a cependant critiqué des problèmes concernant l'établissement des listes électorales. Le fils de Rosa Otounbaïeva, Ataï Sadybakassov, a ainsi découvert dans son bureau de vote qu'il n'était pas inscrit.

Plusieurs personnes interrogées par l'AFP dans le Sud où les candidats nationaliste cultivent une forte base électorale se sont plaints du même problème.

Le taux de participation a atteint 60,27%, selon la commission électorale centrale.

Le Kirghizstan, pays montagneux et pauvre de cinq millions d'habitants, est traversé par de multiples divisions: entre les Kirghiz majoritaires et la minorité ouzbeke, entre le Nord urbanisé et relativement prospère et le Sud pauvre et plus rural, et entre les clans de l'ancien régime et ceux du nouveau.

La stabilité du Kirghizstan est cruciale pour les États-Unis qui y disposent d'une base aérienne essentielle au déploiement de ses troupes en Afghanistan. La Russie y dispose aussi d'infrastructures militaires.