Un mandat d'arrêt visant l'ex-président pakistanais Pervez Musharraf a été émis samedi dans l'enquête sur l'assassinat de l'ancien premier ministre Benazir Bhutto, mais M. Musharraf a fait savoir à Londres qu'il n'était pas disposé à comparaître, qualifiant la procédure de «ridicule».

M. Musharraf était président du Pakistan quand Benazir Bhutto a été tuée le 27 décembre 2007 à Rawalpindi dans un attentat suicide accompagné de tirs, après un meeting pour les législatives de 2008.

«Une équipe d'enquêteurs, formée pour élucider cet assassinat, a rendu un rapport qui met en lumière l'implication de Musharraf et sa responsabilité», a indiqué à l'AFP le procureur de la Cour spéciale, Chaudhry Zulfiqar Ali.

«Le rapport fait état d'un grand complot impliquant Pervez Musharraf, deux officiers de police et les terroristes», a ajouté M. Ali.

En conséquence, «le juge Rana Nisar Ahmad a émis un mandat sans possibilité de caution visant l'ancien président Pervez Musharraf et l'a sommé de comparaître devant le tribunal le 19 février», a-t-il déclaré.

Interrogé pour savoir ce qui se passerait si M. Musharraf refusait, le procureur a simplement répondu: «on verra cela en temps utile».

C'est «totalement ridicule», a réagi à Londres auprès de l'AFP Fawad Chaudhry, porte-parole de la Ligue musulmane de tout le Pakistan, le parti de M. Musharraf. Ce dernier, en exil à Londres, «ne rentrera pas (au Pakistan) pour être entendu par la justice».

«Comment le président d'un pays peut-il être poursuivi pour n'avoir pas réussi à assurer la sécurité de quelqu'un?», a demandé M. Chaudhry.

S'il décide de rentrer au Pakistan, «ce sera un retour politique», a encore expliqué son porte-parole, alors que l'ancien chef d'État a officiellement lancé en octobre à Londres son nouveau parti, en vue des élections législatives de 2013 dans son pays.

Le porte-parole a aussi accusé les juges pakistanais de s'être «littéralement transformés en parti politique».

«La justice pakistanaise essaie maintenant de politiser cette affaire et de s'en prendre à M. Musharraf parce qu'il a écarté le président de la cour suprême» en 2007, a-t-il argué.

L'avocat Muhammad Ali Saif, secrétaire général de la Ligue musulmane AML a accusé le gouvernement d'avoir enfreint les règles légales de procédure, en émettant un mandat d'arrêt «sans avoir entendu Pervez Musaharraf».

«Aucune liste de questions n'a été envoyée à M. Musharraf par le gouvernement qui tente de détourner l'opinion de sa propre incompétence et de son échec en impliquant à tort Musharraf dans cette affaire», a-t-il dit à l'AFP, accusant le pouvoir de «tenter de protéger les vrais assassins» de Benazir Bhutto.

Après l'assassinat de Benazir Bhutto, M. Musharraf avait désigné le chef taliban Baitullah Mehsud comme le coupable. Celui-ci avait avait démenti. Il a été tué en août 2009 par un tir de drône américain.

Benazir Bhutto avait été deux fois chef du gouvernement dans les années 1990.

Elle était l'épouse d'Asif Ali Zardari, qui a remporté la victoire en février 2008 et est aujourd'hui président du Pakistan.

L'enquête sur son assassinat a débouché sur l'arrestation en décembre de deux haut responsables policiers pakistanais, notamment le chef de la police locale de Rawalpindi, auxquels il est reproché d'«avoir échoué à protéger Benazir Bhutto».

En avril 2010, un rapport de l'ONU avait montré que le drame aurait pu être évité si des mesures de sécurité adaptées avaient été prises. L'ONU avait aussi fait état d'entraves à l'enquête, notamment de la part des renseignements pakistanais.