Un lieu saint disputé entre hindous et musulmans dans la ville indienne d'Ayodhya va être divisé en trois parties, dont deux pour la communauté hindoue, a tranché jeudi un tribunal, un verdict potentiellement explosif déjà contesté par les deux parties.

Les autorités, qui redoutent les débordements, ont déployé près de 200 000 membres des forces de sécurité dans l'Uttar Pradesh, l'État le plus peuplé de l'Inde. De nombreux autres sites sensibles ont été placés en état d'alerte dans tout le pays.

Le site d'Ayodhya abrite les ruines d'une mosquée qui avait été rasée en 1992 par des extrémistes hindous, provoquant l'une des pires vagues de violences interconfessionnelles depuis l'indépendance de l'Inde en 1947. Au moins 2 000 personnes avaient été tués, en majorité des musulmans.

Les nationalistes hindous estiment que la mosquée Babri du 16e siècle a été construite par l'empereur moghol Babar sur le site d'un sanctuaire dédié à leur dieu Rama. Selon les avocats hindous, la cour a confirmé leur assertion.

«Les trois différentes parties -pour les musulmans, les hindous et (l'organisation religieuse hindoue basée à Ayodhya) Nirmhoi Akhara - sont déclarés propriétaires communs du site», a annoncé l'un des juges dans une décision mise en ligne sur le site Internet de la haute cour de l'État de l'Uttar Pradesh (nord).

Un avocat défendant les intérêts hindous, Ravi Shankar Prasad, avait précédemment déclaré aux journalistes massés devant que le tribunal avait décidé que «le site serait divisé en trois parties».

Le procédé de division devrait débuter dans trois mois, a-t-il ajouté.

L'un des avocats défendant les intérêts musulmans, représenant le Comité d'action pour la mosquée Babri, s'est déclaré «partiellement déçu» par la décision de diviser le site.

Un groupe hindou militant pour la construction d'un temple sur le site a lui estimé que c'était un «motif de grande joie».

Pour autant, les deux parties ont décidé de faire appel auprès de la cour suprême.

«La cour a respecté la croyance hindoue mais nous porterons l'affaire devant la cour suprême car le combat n'est pas fini», a déclaré Nritya Gopaldas Maharaj, président d'une organisation hindoue, l'Hindu Ram Janam Bhoomi.

«Nous allons essayer de revendiquer la portion de terre qui a été allouée aux musulmans. J'appelle les musulmans à accepter pacifiquement le verdict», a-t-il ajouté.

L'avocat d'une organisation musulmane, le Comité d'action pour la mosquée Babri, a également déclaré qu'il ferait appel de la décision.

Des personnalités du monde politique, économique et culturel se sont relayées jeudi pour appeler au calme avant le verdict.

Sonia Gandhi, la présidente du parti au pouvoir, le parti du Congrès (centre gauche), a réaffirmé le credo de l'Union indienne: «L'unité dans la diversité est notre plus précieux héritage».

De son côté, Salman Rushdie, auteur du roman «Les enfants de minuit» dont le héros naît au moment précis de l'indépendance de l'Inde à minuit le 15 août 1947, qui entraîna de sanglants heurts entre hindous et musulmans, a estimé que le passé «ne devrait pas encombrer et paralyser le présent».

L'Inde, pays laïc, abrite toutes les religions et croyances du monde qui cohabitent habituellement en harmonie.

L'histoire du pays est toufois marquée par des violences interreligieuses, notamment entre hindous, qui représentent l'écrasante majorité de la population de 1,2 milliard d'habitants, et musulmans, la plus grande minorité religieuse.