Un tribunal international a condamné lundi pour la première fois un ex-haut responsable des Khmers rouges, en prononçant une peine de 30 ans de prison à l'encontre de Douch, chef d'une prison où ont été torturées 15 000 personnes.

Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, à l'encontre duquel 40 ans de prison avaient été requis, a été reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

«Le rôle de l'accusé en tant que chef incontesté de (la prison) S-21 a été reconnu par ce dernier, avéré par les témoignages de témoins et des parties civiles», a déclaré le juge Nil Nonn, lors de sa lecture du verdict.

Agé de 67 ans, Douch avait la haute main sur la prison de Tuol Sleng, aussi appelée S-21, un ancien collège transformé en centre névralgique des purges sanglantes menées par les Khmers rouges. 15 000 personnes y ont été torturées avant d'être mises à mort entre 1975 et 1979, selon les estimations.

«Chaque personne détenue dans S-21 était condamnée à être exécutée conformément à la ligne du parti communiste du Kampuchéa consistant à écraser tous les ennemis», a précisé le juge.

Douch a «travaillé sans relâche pour s'assurer que S-21 fonctionnait de façon aussi efficace que possible», a également souligné le tribunal.

Mais il a estimé que les preuves étaient insuffisantes pour établir que Douch avait personnellement torturé les victimes.

L'un des rares survivants de S-21 a exprimé son dépit que Douch ait échappé à la prison à perpétuité. «Je pleure de nouveau. Nous avons souffert sous ce régime, et nous souffrons de nouveau aujourd'hui (...) Justice n'est pas rendue», a réagi Chum Mey, 79 ans.

Rares sont ceux qui se sont déclarés satisfaits du jugement, à l'instar de Vann Nath, un autre rescapé. «C'est ce que je voulais et attendais», a-t-il déclaré, en y voyant un «message» envoyé aux dirigeants du monde pour que de telles atrocités ne se reproduisent pas.

Les familles de victimes ont regretté que le tribunal ait décidé de prendre en compte les onze années purgées par l'accusé depuis son arrestation en 1999. Cela peut permettre à Douch d'envisager de sortir dans 19 ans et, donc, de vivre ses dernières années en liberté.

Le tribunal a également réduit sa peine à 30 ans, contre 35 initialement, en raison d'une période de détention jugée illégale car établie avant la formation de la juridiction internationale.

Vêtu d'une chemise bleue, l'accusé a suivi d'un un air pensif la lecture du verdict, retransmise en direct par la télévision et les radios.

Au cours des audiences, qui se sont terminées fin 2009, Douch avait exprimé des remords avant de faire machine arrière au dernier jour.

Arguant qu'il n'était qu'un simple serviteur du régime de Pol Pot, l'ancien professeur de mathématiques avait estimé qu'il échappait de facto aux compétences du tribunal et sollicité sa libération.

Le jugement est l'aboutissement de la première procédure du tribunal parrainé par l'ONU, créé en 2003 après d'interminables tractations entre le Cambodge et la communauté internationale et qui n'a commencé ses activités que trois ans plus tard.

Quatre autres ex-dirigeants Khmers rouges attendent d'être jugés, dont le «frère numéro 2» Nuon Chea, en principe en 2011.

«Le frère numéro 1», Pol Pot, est décédé en 1998, soit près de 20 ans après le renversement par les troupes vietnamiennes de son régime au cours duquel près de deux millions de Cambodgiens, soit un quart de la population, sont morts.