Le Japon a connu 17 Premiers ministres en 30 ans, une rotation excessive qui a freiné le développement de la deuxième économie mondiale et affaibli son rôle sur la scène internationale.

Yukio Hatoyama, qui a démissionné mercredi après seulement huit mois et demi au pouvoir, est ainsi le quatrième chef de gouvernement en quatre ans.

L'ambassadeur du Japon aux États-Unis, Ichiro Fujisaki, a déploré l'image que renvoie de son pays à l'étranger.

«Le premier ministre est le visage de la Nation», a-t-il dit aux journalistes à Washington. «Il serait préférable qu'il soit aux commandes plus longtemps et travaille avec d'autres dirigeants du monde.»

L'an dernier, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, butant sur le nom de M. Hatoyama, avait plaisanté en disant qu'au Japon, «vous dites "bonjour" à un premier ministre et "bon après-midi" à un autre».

Depuis les années 80, seuls deux premiers ministres japonais ont réussi à durer plus de deux ans, le dernier en date étant Junichiro Koizumi, qui a gouverné de 2001 à 2006. 

Les démissions sont souvent dues à des défaites électorales ou à des scandales sexuels ou d'argent sale.

Mais certains analystes pointent également du doigt les particularités du monde politique japonais, les élections à répétition, les facteurs culturels et des médias agressifs qui peuvent ruiner en l'espace de quelques mois la popularité d'un premier ministre.

Les quatre derniers chefs de gouvernement étaient notamment des «héritiers», nés avec «une cuillère en argent dans la bouche», soulignent-ils. Fils ou petit-fils d'anciens Premiers ministres, leur capacité à diriger le pays n'était pas forcément à la hauteur de leur nom prestigieux.

«La politique au Japon fonctionne un peu comme la vie d'un village», explique Takehiko Yamamoto, professeur de sciences politiques à l'université Waseda de Tokyo.

«C'est fait de factions. Une forte personnalité peut gouverner sur la durée. Mais la culture japonaise valorise le consensus et si vous ne pouvez pas conserver le soutien du groupe, vous êtes remplacé.»

«Dans la politique japonaise, le pouvoir n'est pas entièrement concentré sur le premier ministre. En pratique, il est souvent contrôlé par des hommes forts dans les partis», rappelle Hidekazu Kawai, professeur à l'université Gakushuin de Tokyo. «Cette structure du pouvoir à deux niveaux fragilise la fonction du premier ministre.»

Certains analystes accusent le calendrier électoral d'être responsable de cette situation.

«La priorité numéro un d'un chef de gouvernement est de gagner les élections dans les deux Chambres du Parlement. Et donc si les politiciens ont l'impression que leur dirigeant ne peut pas les mener à la victoire, ils lui retirent leur soutien. Cette pression est extrêmement forte au Japon», souligne Sadafumi Kawato, professeur à l'Université de Tokyo.

Tomoaki Iwai, de l'Université Nihon, juge lui aussi qu'il y a «trop d'élections qui influent sur le sort des gouvernements». «Tous les 18 mois, ils sont paniqués.»

M. Kawato accuse par ailleurs les médias d'être à l'affut de la moindre «gaffe» d'un premier ministre, qui doit répondre aux journalistes parfois deux fois par jour.

Dans le cas de M. Hatoyama, «les médias ont manipulé l'opinion publique en demandant sans cesse si le gouvernement Hatoyama devait démissionner».

«Il est naturel pour un gouvernement de ne pas tout réussir dans les six premiers mois. Mais la presse s'est focalisée uniquement sur les échecs.»