Le premier ministre thaïlandais bataillait pour maintenir à flot son plan de sortie de crise, tentant vendredi de convaincre les acteurs politiques du pays de soutenir un projet qui ne parvient pas à venir à bout des manifestations en plein coeur de Bangkok.

La feuille de route pour la réconciliation d'Abhisit Vejjajiva, comprenant des élections législatives anticipées le 14 novembre, avait reçu mardi un accueil positif des «chemises rouges», qui exigent sa démission et ont dressé des barricades dans la capitale.

Mais trois jours plus tard, le consensus tarde à se dégager entre les différences forces politiques du pays.

«Nous avons besoin de la coopération de tout le monde pour que la paix revienne en Thaïlande», a souligné le vice-premier ministre Suthep Thaugsuban. «Tout le monde doit y mettre du sien pour éviter la violence».

Toutes les formations parlementaires importantes ont accepté le plan Abhisit, y compris l'opposition et les alliés de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, icône d'une partie des «rouges». Mais les grands mouvements de la société civile, très influents dans la rue depuis plusieurs années, continuent d'argumenter.

Les «chemises rouges» exigent un calendrier précis pour la dissolution de la chambre basse puis les élections. Ils n'acceptent de partir qu'avec de solides garanties, fort de deux mois de mouvement et après des violences qui ont fait 27 morts et près de 1 000 blessés.

Les «chemises jaunes», leurs rivaux royalistes soutenus par l'establishment de Bangkok et impliqués en 2006 et 2008 dans la chute de deux gouvernements, jugent de leurs côtés ces exigences inacceptables.

À priori derrière Abhisit, elles l'ont complètement lâché jeudi en critiquant sa faiblesse face aux «terroristes». Elles réclament désormais elles aussi sa démission, pour que soit nommée une personnalité plus forte.

Un groupe pro-gouvernement plus modéré, qui a réunit quelques milliers de personnes depuis quelques semaines et se fait appeler les «multicolores», a de son côté demandé que l'élection anticipée soit renvoyée au premier trimestre 2011.

Du coup, l'hypothèse d'un nouveau blocage prenait corps après quelques jours au cours desquels le démantèlement des barricades était apparu comme imminent.

La direction des «rouges» s'est réunie vendredi pour décider des suites à donner à leur action. «Nous continuons à recevoir des dons pour financer le contreplaqué dont on a besoin en ce début de saison des pluies», a indiqué un de ses membres, Nattawut Saikuar.

Selon plusieurs sources, les manifestants négocieraient une amnistie pour les principaux leaders, dont certains font l'objet d'un mandat d'arrêt pour violation de l'état d'urgence décrété il y a un mois. Une hypothèse qui exaspère les «jaunes».

Derrière cette politique tout en couleurs se dessine une fracture profonde entre les élites de Bangkok («jaunes»), réunies autour du palais royal - militaires, magistrats, hommes d'affaires - et les masses rurales du nord et du nord-est («rouges»), rejoints récemment par une frange des couches populaires urbaines.

Le gouvernement Abhisit est aujourd'hui condamné à trouver des points d'entente entre ces deux forces, qui se détestent et s'accusent de tous les maux.

Et plusieurs analystes ont d'ores et déjà exprimé leurs craintes qu'une élection anticipée, qu'elle intervienne dans trois mois ou dans un an, ne soit difficile à organiser sans violence.