En outre, des opposants avaient fait savoir qu'en cas d'invalidation de l'amnistie, ils intenteraient des recours contre l'immunité de M. Zardari, dont ils jugent l'élection inconstitutionnelle. Selon eux, il était inéligible avant l'amnistie car n'ayant jamais été condamné pour des accusations de détournements de fonds publics qui lui ont valu 11 années de prison.

Le principal parti d'opposition pakistanais a réclamé jeudi la démission du président Asif Ali Zardari et de certains de ses ministres au lendemain de l'annulation par la Cour suprême d'un décret d'amnistie les concernant, qui ouvre la voie à des poursuites pour corruption.

«Nous suggérons au président Zardari de démissionner pour des raisons morales», et à «tous les ministres concernés» de faire de même, a déclaré à l'AFP Siddiqul Farooq, porte-parole de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), le parti de l'ancien premier ministre Nawaz Sharif.

Le président Zardari «ne devrait pas se servir de la Constitution comme d'une béquille», a ajouté le porte-parole du PML-N, arrivé second derrière le Parti du peuple pakistanais (PPP) de M. Zardari lors des législatives de 2008.

Saisie par des opposants au président, la Cour suprême du Pakistan a annulé mercredi un décret de 2007 amnistiant M. Zardari, élu président l'année suivante, ainsi que plusieurs de ses ministres, dont ceux de l'Intérieur et des Finances, des ambassadeurs et des conseillers gouvernementaux.

M. Zardari reste pour l'heure protégé par son immunité présidentielle pour les cas de corruption le concernant directement.

Dans un bref communiqué publié jeudi, le premier ministre Yousuf Raza Gilani a indiqué que son gouvernement respecterait ce jugement. Le PPP fera de même, a indiqué mercredi soir le porte-parole de M. Zardari, Farhatullah Babar, tout en soulignant que le président restait protégé par son immunité.

«Aucune procédure criminelle contre le président ne peut être intentée ou poursuivie (...) pendant la durée de son mandat», a-t-il rappelé.

Mais l'invalidation de ce décret protégeant au total plus de 8.000 personnalités politiques et du monde des affaires va permettre de rouvrir des procédures judiciaires contre ses proches pour des affaires où son nom était cité, qui pourraient déstabiliser un président, largement soupçonné de corruption, et un gouvernement déjà très contestés dans l'opinion publique.

 

«La boîte de Pandore de l'éligibilité de Zardari est ouverte», a déclaré à l'AFP l'analyste politique Shafqat Mahmood, en prédisant de très prochains dépôts de plainte contre le président.

Signe de la fragilité de cette immunité, le jugement de la Cour suprême a également ordonné au gouvernement de demander à la Suisse de reprendre une procédure contre M. Zardari et son épouse -- l'ancien premier ministre Benazir Bhutto, tuée fin 2007 dans un attentat, accusés d'avoir placé frauduleusement des millions de dollars dans des banques suisses.

L'amnistie avait été décrétée en octobre 2007 par le président de l'époque, le général Pervez Musharraf, en perte de vitesse et qui souhaitait s'allier Benazir Bhutto pour un partage du pouvoir après les législatives de 2008.

La décision de la Cour suprême risque de déstabiliser un peu plus un gouvernement partenaire des États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme, et à ce titre engagé dans de rudes opérations contre les rebelles talibans.