L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a été condamnée mardi à 18 mois de résidence surveillée pour avoir enfreint les règles de son assignation à résidence.

Un tribunal, réuni à la prison d'Insein, au nord de Rangoun, a reconnu Mme Suu Kyi coupable d'avoir violé les termes régissant depuis 2003 son assignation à résidence. Elle avait brièvement hébergé en mai dernier un Américain, John Yettaw, qui avait réussi bizarrement à nager jusqu'à son domicile, situé au bord d'un lac. Mme Suu Kyi a été condamnée à trois ans de prison et de travaux forcés, mais le ministre des Affaires intérieures, le général Maung Oo, a déclaré que Than Shwe, numéro un de la junte birmane, avait signé un ordre spécial commuant la peine de l'opposante en 18 mois de résidence surveillée.

La lauréate du prix Nobel de la paix a déjà été privée de liberté pendant 14 des 20 dernières années. Si aucune mesure de clémence n'est annoncée d'ici 2010, elle ne pourra pas participer aux élections nationales fixées pour l'année prochaine par la junte.

John Yettaw, l'Américain jugé pour avoir gagné à la nage la résidence de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, a été condamné à une peine de sept ans d'emprisonnement dont quatre de travaux forcés.

Tous deux risquaient une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Contre toute attente, les journalistes ont été autorisés à entrer dans le prétoire du tribunal pour assister à l'énoncé des verdicts dans ce procès qui aura duré près de trois mois.

La décision d'autoriser les journalistes à suivre l'énoncé des verdicts a été prise quelques minutes seulement avant le début de l'audience. Depuis le début du procès, le 18 mai, les journalistes n'ont pu y assister qu'à deux reprises.

Le 4 août dernier, le parti de l'opposante birmane, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), avait publié le transcript de sa déposition du 24 juillet dans laquelle Aung San Suu Kyi estimait que le verdict du tribunal de Rangoon dans son dossier «constituera un jugement du système législatif, judiciaire et constitutionnel du pays dans son ensemble».

L'opposition accuse la junte militaire au pouvoir depuis 1962 de vouloir l'empêcher de participer à la vie politique dans la perspective des élections prévues pour 2010. Les militaires avaient confisqué la victoire écrasante de la LND aux dernières législatives, en 1990.

La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 affirmait aussi dans sa déposition qu'elle a accueilli chez elle l'Américain John Yettaw «sans malice, simplement afin de s'assurer de ce que personne d'impliqué ne souffrirait de conséquences indésirables».

La plupart des observateurs s'attendaient à la condamnation d'Aung San Suu Kyi, même si les reports d'audience répétés peuvent suggérer un certain embarras de la junte, unanimement condamnée par la communauté internationale. Mme Suu Kyi elle-même a jugé que la décision de la cour était «douloureusement évidente».

Aung San Suu Kyi était jugée avec les deux femmes qui vivent avec elle, Khin Khin Win et sa fille Win Ma Ma, et qui se trouvent sous le coup des mêmes chefs d'accusation.

Quant à John Yettaw, qui a affirmé s'être introduit dans la résidence de l'opposante pour la prévenir d'un rêve dans lequel elle était assassinée, il risquait aussi cinq ans de prison pour complicité.

Ce mormon âgé de 53 ans originaire du Missouri avait été hospitalisé le 4 août dernier à Rangoon à la suite d'une attaque. Les tribunaux birmans n'énonçant en général pas de verdict en l'absence de l'accusé, l'avocat de Suu Kyi Nyan Win avait dit s'attendre à un nouveau report si Yettaw restait à l'hôpital. Souffrant de diabète, d'épilepsie et d'autres problèmes médicaux, Yettaw n'a quitté le service des soins intensifs qu'à la veille du verdict.

Avec l'AFP