Le milliardaire américain Donald Trump, candidat à la Maison-Blanche pour 2016, a été condamné aux États-Unis et à travers le monde après avoir proposé de barrer l'entrée des musulmans dans le pays, mais ses partisans ont applaudi des deux mains.

«Nous avons un problème dans ce pays», a expliqué mardi Donald Trump, en défendant sur les chaînes de télévision une fermeture «temporaire» des frontières aux musulmans, «jusqu'à ce que les dirigeants de notre pays comprennent ce qui se passe», comme il l'a proposé la veille, acclamé par ses partisans.

De Washington au Caire en passant par Paris et l'ONU, la suggestion d'une discrimination religieuse à l'immigration a rappelé les pires heures de l'Amérique et suscité des communiqués ou déclarations scandalisées.

Dar al-Iftaa, la plus haute autorité religieuse d'Égypte, a regretté des «remarques extrémistes et racistes»: «cette vision hostile à l'islam et aux musulmans va attiser les tensions au sein de la société américaine».

Le premier ministre britannique David Cameron a dénoncé une proposition «tout simplement mauvaise, inutile et de nature à semer la discorde», par la voix de son porte-parole. Son homologue français Manuel Valls a fustigé «la haine et les amalgames». «Notre seul ennemi, c'est l'islamisme radical».

Aux États-Unis, Donald Trump avait déjà à dos les démocrates et une partie de son camp républicain, alarmé par sa dérive xénophobe et incendiaire mais qui craignait aussi de froisser l'homme qui domine sans partage la course des primaires depuis le mois de juillet.

Ses rivaux républicains, pourtant habituellement peu enclins à défendre les musulmans, ont condamné plus ou moins vivement la provocation trumpienne, de Marco Rubio à Chris Christie. Jeb Bush, qui avait lui-même après les attentats de Paris proposé d'exclure les réfugiés syriens musulmans mais d'accepter les chrétiens, l'a traité de «déséquilibré».

La Maison-Blanche de Barack Obama est sortie de sa réserve habituelle pour enjoindre le parti républicain à couper ses liens avec «un aboyeur de foire» pour ne pas se laisser entraîner «dans les poubelles de l'histoire».

Hillary Clinton, la favorite de l'investiture démocrate, a estimé que les républicains n'en faisaient pas assez pour se séparer de Trump. Le camp démocrate les accuse d'avoir eux-mêmes poussé des politiques discriminatoires en déclarant les réfugiés syriens persona non grata aux États-Unis, après les attentats de Paris.

Mme Clinton a lancé un appel aux musulmans américains: «ce que vous entendez de la part de Trump et d'autres républicains est (...) contre nos valeurs en tant que nation», a-t-elle écrit sur le site medium. «C'est aussi votre pays».

«Pas intolérant» 

La communauté musulmane américaine, qui a déjà souffert après les attentats du 11-Septembre, s'inquiétait de possibles représailles.

«Donald Trump ressemble plus au leader d'une foule prête au lynchage que d'un grand pays comme le nôtre», s'est désolé Nihad Awad, directeur du Comité de relations américano-islamiques (CAIR).

La déclaration «ne fait que renforcer le recrutement de l'État islamique à travers le monde», ont aussi déploré Marvin Hier et Abraham Cooper, fondateurs du centre juif Simon Wiesenthal pour les droits de l'homme.

Insensible aux condamnations internationales, Donald Trump n'a pas changé de ligne, mardi dans un entretien sur la chaîne ABC avec la journaliste Barbara Walters, qui lui a demandé s'il était «intolérant».

«Pas du tout. Je suis probablement la personne la moins (intolérante) que vous ayez rencontrée», a-t-il répondu. «J'ai du sens commun, je suis une personne intelligente», a-t-il poursuivi.

Sa justification reste la même: il affirme que de nombreux musulmans sont favorables au djihad violent contre les Américains, et en veut pour preuve que les auteurs des carnages de Paris et de San Bernardino étaient musulmans.

Sur son évasive proposition de lundi, il a simplement précisé que les soldats américains musulmans basés à l'étranger pourraient revenir. Et que les musulmans déjà dans le pays pourraient rester.

Il a par ailleurs démenti mardi vouloir se rendre en Jordanie d'ici la fin de l'année, comme l'avançaient certains médias.

Son annonce sur les musulmans peut se lire comme une tentative de garder l'avantage dans les sondages, alors qu'il semblait menacé dans l'État stratégique de l'Iowa, mais aussi comme une réponse à Barack Obama, qui dans un discours à la nation dimanche avait enjoint les Américains à éviter les amalgames entre le groupe État islamique et l'islam.

Mais des experts étaient persuadés que Donald Trump ne pourrait guère convaincre au-delà de la base conservatrice qui le soutient.

«Il est en tête des intentions de vote dans un petit groupe de la population, les 30% d'électeurs républicains», dit à l'AFP John Hudak, expert politique à la Brookings Institution. «Si par un hasard extraordinaire il gagnait les primaires républicaines, ce sera la fin de sa carrière car il ne sera jamais élu président».