L'automne dernier, une étude de la New America Foundation, un institut de recherche de gauche, a révélé une tactique inattendue de l'administration Obama: dans ses neuf premiers mois d'exercice, le président a autorisé autant d'attaques de drones de la CIA que l'ex-président Bush dans les trois dernières années de son mandat. Ces frappes aériennes visaient généralement des terroristes au Pakistan.

Le problème, c'est que personne ne sait qui figure sur la liste qu'utilise la CIA pour décider qui attaquer avec ses drones, selon un dossier très remarqué publié en octobre dernier par l'hebdomadaire The New Yorker.

 

Et à la base, cette tactique ressemble comme deux gouttes d'eau aux «assassinats ciblés» pratiqués par Israël, que condamnait jusqu'en septembre 2001 la même CIA. L'automne dernier, un rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme de l'ONU a déploré le manque d'information sur le programme de la CIA.

De plus, la CIA confie l'entretien et parfois même le contrôle de ses drones à des entreprises civiles, comme Xe Services, le nouveau nom de la compagnie Blackwater, qui s'est tristement illustrée en Irak quand ses gardes de sécurité ont abattu des civils.

Cette «guerre sans vertu», comme la nomme un officier britannique de haut rang cité par The New Yorker, a ses partisans tant chez les républicains que chez les démocrates, en premier lieu le vice-président Joseph Biden.

Plusieurs analystes cités par les médias ont constaté que les mouvements des djihadistes au Pakistan sont considérablement entravés et qu'une chasse aux délateurs mine leur moral. La vidéo récente de l'exécution d'un traître accusé d'avoir révélé aux Américains la cachette de chefs terroristes en fait foi.

Qu'on le veuille ou non, les drones font maintenant partie de l'arsenal moderne, constate le philosophe émérite Michael Walzer, de l'Université Princeton, dans la quatrième version de son livre Just and Unjust Wars, parue en 2006. L'aspect moral de ces frappes dépend des règles qui les entourent, conclut-il.

L'été dernier, le magazine Popular Science, qui s'intéresse généralement davantage aux prouesses techniques qu'aux questionnements éthiques, a consacré un dossier sur les drones. Signe du malaise créé par cette nouvelle forme de guerre, le titre de l'article était «Point Click Kill». Et il se terminait par le récit de la journée où le capitaine Adam Brockshus, de l'armée de l'air américaine, avait tué son premier homme en Afghanistan avec un drone. Juste avant d'aller «travailler», le capitaine Brockhus avait fêté l'anniversaire de sa fille de deux ans, dans leur maison de la banlieue de Las Vegas.