Célébré partout sur la planète aujourd'hui, le Jour de la Terre a pour thème cette année, au Québec, l'économunicipalité. Posons donc la question: les villes québécoises sont-elles vertes? Ou se contentent-elles de se dire vertes?

Amqui se dit verte, parce qu'elle s'est attaquée aux sacs de plastique. Terrebonne aussi, parce qu'elle s'est dotée d'un plan environnemental. Baie-Saint-Paul, parce qu'elle a entamé des démarches de développement durable. Lantier, pour son travail à la protection des cours d'eau...

 

Tout est vert dans le plus vert des mondes, donc? Ou n'est-ce que le fléau du marketing qui sévit en cette année électorale?

«Il n'existe au Québec aucun bon exemple de ville verte, pas plus qu'il n'existe de quartiers modernes à forte densité, dotés d'une mixité de fonctions et d'un aménagement intelligent centré sur les établissements publics et les services de proximité», tranche Alexandre Turgeon, président de l'organisme Vivre en ville.

Certes, d'intéressantes initiatives voient le jour régulièrement, mais elles ne sont pas à la hauteur de ce qu'on appelle une «ville verte», c'est-à-dire un endroit où la marche et le vélo sont favorisés, où les transports en commun sont accessibles et où la circulation automobile est lente et restreinte aux déplacements locaux.

Le quartier Vauban à Fribourg en est, de même que Hammarby Sjöstad à Stockholm, Granville Island à Vancouver et Pearl District à Portland. Mais au Québec, malheureusement, les mesures adoptées sont trop souvent sans effet, car neutralisées par des mesures contraires.

Prenons seulement l'exemple du Plateau Mont-Royal qui, malgré un grand potentiel, est miné par la grande quantité d'espaces de stationnement qu'on y retrouve, les déplacements de camions, la vitesse des véhicules, l'étroitesse des trottoirs, etc.

Et quand les mesures ne sont pas carrément antinomiques, elles sont trop souvent secondaires. Il est bien mignon de vouloir s'attaquer aux sacs de plastique, de faire partie des «villes fleuries du Québec» ou de former les cols bleus à l'écoconduite, mais tout cela n'aura qu'une portée limitée tant que les villes continueront de se développer autour de l'auto, plutôt que de l'individu.

L'Union des municipalités du Québec, qui représente 275 villes, a adopté l'an dernier une Politique de mobilité et de transports durables avec l'objectif d'enrayer le «cercle de la dépendance à l'automobile».

Douze mois plus tard, la «révolution» promise est-elle au moins entamée? «Le discours a fait son chemin, confirme le directeur du Centre d'écologie urbaine de Montréal, Luc Rabouin, mais les gestes concrets ne suivent toujours pas.»

Reconnaissons en effet, en ce jour de célébration environnementale, que plusieurs dirigeants municipaux se sont approprié le discours des urbanistes les plus progressistes. Ce qui constitue un grand pas en avant, même si les résultats se font attendre.

Les annonces qui seront faites aujourd'hui le confirmeront d'ailleurs. L'équipe du Jour de la Terre dévoilera un tout nouveau site web (EcoMunicipalite.org) qui permettra aux villes d'échanger des informations et qui apportera un soutien à celles qui souhaitent élaborer leur propre politique verte.

«Le programme va aussi proposer aux villes 12 actions, sur le modèle du Défi climat ou des 12 gestes du Défi Suzuki, explique Pierre Lussier, directeur du Jour de la Terre. Les villes pourront s'engager à en réaliser trois, cinq ou plus, afin de les encourager à en faire plus.»

L'intérêt des villes du Québec est si grand, qu'une rencontre aux deux ans consolidera le tout.

Le Plan de transport de Montréal, lui aussi, prouve que les élus ont la volonté d'agir, même si l'on en attend encore les fruits. Celui-ci mise notamment sur la création de «quartiers verts».

Premier pas en ce sens, le Centre d'écologie urbaine de Montréal vient de dévoiler le nom des deux premiers quartiers qui profiteront d'un tel lifting: Parc-Extension et Mercier-Est. De concert avec la population et les arrondissements, des experts de tous horizons contribueront à élaborer pour chacun d'eux, d'ici la fin de l'année, un «plan de quartier vert».

Et après? «Nous savons très bien que les arrondissements ont très peu de moyens, note Luc Rabouin. Au minimum, nous nous attendons à ce qu'ils se servent de cette vision au moment où ils procéderont à des travaux.»

Une canalisation éclate et la rue doit être reconstruite? L'arrondissement pourra se munir de son «plan de quartier vert» pour refaire la rue de manière plus sensée: ajouter des arbres ici, élargir des trottoirs là-bas, implanter des dos d'âne, etc.

Cela confirme qu'il y a de la lumière au bout du tunnel. Même si elle semble parfois s'éloigner à mesure que l'on avance.

Pour joindre notre journaliste: francois.cardinal@lapresse.ca