Un rapport paru ce mois-ci affirme l'importance des produits de la chasse et de la pêche dans l'identité inuite et demande des politiques pour protéger la nourriture traditionnelle et l'environnement des Inuits.

John Goodwin, un chasseur inuit de l'Alaska, chasse depuis des décennies le phoque barbu, très prisé pour sa chair, son huile et sa peau.

La chasse du plus gros phoque d'Alaska débute lorsque le couvert de glace commence à se morceler après l'hiver. La saison, qui durait des semaines autrefois, a commencé à raccourcir. La glace qui mesurait auparavant jusqu'à 1,5 mètre d'épaisseur n'en mesure plus qu'une fraction. La glace disparaît rapidement, et les phoques aussi.

L'environnement change et les Inuits veulent protéger leur culture. Le rapport du Conseil circumpolaire inuit-Alaska (CCI-Alaska), qui défend les villages inuits côtiers, réclame des politiques pour assurer la pérennité des produits de la chasse.

Plus de 90% de la nourriture achetée en Alaska provient d'ailleurs et l'approvisionnement alimentaire fiable dans les communautés urbaines de l'État, comme Anchorage, vient avec des prix abordables et un service de livraison constant par avion ou par bateau vers le nord.

Mais pour les Inuits, qui ont traversé des milliers d'années dans les conditions les plus dures sur Terre, la nourriture est le lien entre le passé et le présent, explique le rapport.

La nourriture, c'est la survie et l'identité. La chasse du caribou ou du phoque, la pêche de l'omble de l'Arctique, la cueillette de ronces, les techniques pour les apprêter, les entreposer et les partager font l'objet d'oeuvres d'art, de danses, de légendes, et font partie de l'éducation et de la langue.

«Nos aliments traditionnels sont plus que des calories et des éléments nutritifs; ils représentent la subsistance à travers notre culture et reflètent la santé de l'écosystème arctique tout entier», note le rapport.

Au fil des nombreux changements qu'ont traversé les communautés inuites, leurs leaders ont commencé à parler de nourriture dans les discussions publiques. Leur concept de sécurité alimentaire diffère de celui des gouvernements et des chercheurs, qui pensent valeur nutritionnelle et pouvoir d'achat.

Lors d'une rencontre il y a quatre ans, quelqu'un avait demandé si les Inuits avaient hâte de voir plus de livraisons vers leurs régions, se rappelle Caroline Behe, conseillère en savoir et science autochtones du CCI-Alaska. «Notre peuple disait exactement le contraire: nous sommes très inquiets de ces bateaux parce qu'ils vont déranger la chasse, le bruit et les polluants perturbent les animaux, et ça, c'est une menace à la sécurité alimentaire.»

Le rapport, assemblé à la suite de visites dans 15 villages inuits par 146 auteurs, demande à ce que les politiques arctiques soient pensées pour protéger cet apport en aliments traditionnels.

Caroline Behe croit que les gens qui causent les changements dans l'Arctique, c'est-à-dire qui polluent ou produisent des gaz à effet de serre, doivent prendre la responsabilité des actions qui touchent la vie et la culture des Inuits.

«Les gens qui polluent doivent avoir plus de responsabilités et il faut s'attendre d'eux à ce qu'ils changent leur comportement, plutôt que d'attendre des Inuits qu'ils changent le leur», plaide-t-elle.