Mexico est devenue une ville masquée. Avec 159 décès liés à la grippe porcine, les autorités de le ville ont ordonné hier la fermeture de 35 000 bars et restaurants. Même les fameux vendeurs de rue de tacos devront se résigner à prendre des vacances forcées.

«Avez-vous d'autres masques? Où pourrais-je en trouver? Il n'y a en a plus dans les magasins.»

En l'espace de seulement 30 minutes, le docteur Mauricio Menendez s'est fait poser plusieurs fois cette question par des passants au regard inquiet qui se tenaient la gorge avec les mains.

C'est que les masques commencent à se faire rares et de plus en plus de gens, apeurés, sentent le besoin d'en porter un lorsqu'ils sortent dans la rue. Il règne visiblement dans la capitale mexicaine un état de psychose, constate avec désolation le Dr Menendez.

Le médecin leur répond toutefois calmement qu'il distribue des masques seulement aux gens présentant les symptômes de la grippe: fièvre, toux ou encore mal de tête persistant. «Présentement, la population est littéralement en état de panique, lance-t-il sans détour. Dès qu'ils ont mal à la gorge, ils ont peur, ils pensent qu'ils ont la grippe porcine et qu'ils vont mourir», poursuit-il tout en réajustant le masque sur sa bouche.

En compagnie d'un autre médecin et de deux infirmiers, celui-ci travaille depuis samedi dernier dans un centre de prévention de fortune. Ouvert de 8h à 20h, ce bureau de consultation, qui ressemble davantage à une petite tente blanche, a été installé sous un soleil brûlant en plein coeur du centre historique de la capitale fédérale, à côté de la cathédrale actuellement fermée. Il s'agit d'une initiative du secrétariat de la Santé de la Ville de Mexico. L'objectif: examiner les gens qui pensent être atteints des symptômes de la grippe ou encore les informer sur les mesures à prendre pour limiter la propagation.

Depuis le début de la semaine, l'équipe de médecins et d'infirmiers n'a pas le temps de se tourner les pouces. Plusieurs centaines de personnes viennent chaque jour se faire examiner. La dizaine de chaises installées à l'ombre, dans la «salle d'attente» située à l'extérieur, ne suffit pas. Plusieurs doivent se tenir debout en plein soleil. Des distributeurs d'eau ont toutefois été disposés sur de grandes tables afin de permettre aux gens de s'hydrater.

Selon le Dr Menendez, le manque d'information et les images de résidants masqués déambulant dans les rues contribuent à alimenter ce climat de peur. C'est ce qui explique pourquoi tant de personnes se présentent ici, estime-t-il.

Prévention

«Lorsque des passants voient quelqu'un tousser dans la rue, cette personne se fait systématiquement regarder d'une drôle de façon, poursuit-il tout en prenant quelques minutes pour s'asseoir sur une civière vide. Mais finalement, beaucoup de patients que j'examine partent d'ici en poussant un soupir de soulagement parce qu'ils n'ont aucun problème de santé.»

Pendant ce temps, à l'extérieur, Rosa Maria Gonzalez et son mari attendent patiemment leur tour pour rencontrer le médecin en compagnie d'une quinzaine d'autres personnes. «Mon époux a mal à la gorge et nous sommes ici par mesure de prévention, explique Mme Gonzalez, alors qu'elle se tient debout en raison du manque de chaises. Nous sommes ici seulement pour nous assurer que tout va bien. Les gens ont peur, ajoute-t-elle. On nous bombarde de toutes sortes d'images.»

Venue avec ses trois enfants âgés de 1 à 5 ans, Jobana s'est également présentée au centre par mesure de sécurité. «Elles ont une petite grippe, dit-elle. Je suis inquiète pour la santé de mes filles», ajoute-t-elle en les regardant affectueusement.

Par ailleurs, les autorités municipales semblent déterminées à informer au maximum les habitants de la ville. Ainsi, un peu partout autour du zocalo - zone hautement fréquentée - où se trouvent notamment le siège du gouvernemental, la cathédrale et la mairie, des affiches ont été accrochées pour inviter les gens à se laver les mains régulièrement.

À la radio comme à la télévision, de courtes capsules sont diffusées régulièrement afin de rappeler au public les règles élémentaires d'hygiène. Et les bulletins d'information consacrent presque tout leur temps d'antenne à des reportages et à des analyses à propos de la grippe porcine. La plupart des journalistes qui travaillent sur le terrain apparaissent même masqués en ondes.

Hier soir, les autorités mexicaines ont également annoncé la fermeture de tous les sites archéologiques.