Au téléphone, Mourad vient de raccrocher en larmes. Ce père de famille de quatre enfants se retrouve devant l’inconnu, en lien avec son éviction de son modeste appartement du quartier Saint-Michel.

Mourad se retrouve, comme des milliers d’autres, devant une fatalité : celle de se trouver un logement dont il n’aura probablement pas les moyens de payer le loyer. Mourad est un bon locataire. Il a toujours honoré son bail jusqu’à aujourd’hui. Évincé de son appartement, il a peur de se retrouver avec sa conjointe et ses quatre enfants dans la rue.

Mourad est un des visages de cette crise du logement qui frappe partout au Québec, mais avec un accent particulier dans le quartier Saint-Michel.

Ils sont nombreux celles et ceux qui viennent quotidiennement frapper aux portes de la Maison d’Haïti ou de celle du bureau de circonscription de Viau. Avec un taux de 71,3 % des ménages locataires, on comprend rapidement que ce chiffre, associé à d’autres vulnérabilités, fragilise énormément les locataires de cette portion du territoire montréalais. Bien avant de nommer cette crise, la table de concertation Vivre Saint-Michel en santé (VSMS) tirait la sonnette d’alarme dans sa planification stratégique sur le manque de logements abordables pour les résidants de Saint-Michel, un quartier, doit-on le rappeler, d’accueil des immigrants au Québec.

Des obstacles

Le mois dernier, dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs, nous avons souligné l’apport et la contribution des Noirs à la société québécoise. Il est essentiel de se rappeler aussi les obstacles auxquels font face ces communautés dans leur cheminement. L’un de ces obstacles demeure sans contredit l’accès au logement. Les faits sont têtus. Au Canada, près du quart des personnes noires ont des besoins impérieux en matière de logement. Quatre-vingt pour cent d’entre elles consacrent 30 % ou plus de leur revenu pour se loger. C’est parmi les taux les plus élevés dans les grandes villes canadiennes1.

L’enjeu de l’accès au logement est tellement crucial pour les communautés noires que l’Observatoire des communautés noires du Québec, qui a vu le jour en 2021, a choisi d’en faire son premier sujet de recherche et de publication. Dans la fiche de recherche sur l’abordabilité, on apprend qu’en 2021 au Québec, 15,1 % des personnes noires avaient un problème d’abordabilité2.

Depuis plusieurs décennies, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec reçoit des plaintes de discrimination dans le logement en raison de l’origine ethnique.

On connaît tous un membre des communautés noires qui n’a pas pu avoir accès à un logement à cause de la couleur de sa peau. Au-delà de la sensibilisation et des plaintes, il y a des gestes concrets à poser pour soutenir la volonté et les efforts déployés par toute une collectivité pour aider à sortir de la pauvreté et de la marginalisation celles et ceux qui sont les plus vulnérables de notre société.

Et c’est pour combattre la pauvreté et la discrimination dans l’accès au logement que la Société d’habitation des communautés noires (SHCN) a vu le jour avec un premier projet de 230 logements abordables, dont la moitié en logements sociaux au cœur du quartier Saint-Michel. Ce projet inclusif, initié par des membres des communautés noires, réunit l’écosystème du logement social québécois autour de lui avec des promoteurs du logement social de grande notoriété comme Bâtir son quartier, Utile et Interloge. Il se veut une réponse toute micheloise et entièrement québécoise qui permettra à 230 locataires comme Mourad d’habiter la dignité. En espérant que ce projet verra rapidement le jour. Car ici, il est question de logement, mais surtout de dignité.

*Cosignataires : Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti ; Josué Corvil, conseiller de ville, district de Saint-Michel ; Edouard Staco, président du Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires

1. Source : SCHL

2. Consultez la fiche L’abordabilité du logement Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue