Traditionnellement, la primaire du New Hampshire est le début de la course à obstacles qui mène vers la nomination d’un candidat à la présidentielle. Or, cette année, il y a un obstacle important qui n’a rien d’habituel : celui des tribunaux.

L’ex-président Donald Trump aura beau déjà être, de facto, le candidat républicain à la présidence, il ne pourra se défaire des 91 accusations criminelles qui ont été portées contre lui.

Il y a deux aspects politiques à cette situation. D’abord, elle va obliger M. Trump à préciser sa vision des pouvoirs de la présidence s’il devait revenir à la Maison-Blanche. Ensuite, il faudra voir quel serait l’effet sur l’opinion publique d’une condamnation d’un candidat à la présidence.

Jusqu’ici, M. Trump a instrumentalisé ses apparitions devant les tribunaux, préférant passer des journées à suivre certaines procédures en cour, alors que rien ne l’y obligeait, plutôt que de faire campagne. Il y voyait son intérêt, cela renforçait l’argument selon lequel il est injustement poursuivi pour des raisons partisanes.

Mais un procès au criminel aurait des enjeux beaucoup plus grands pour M. Trump. Les sondages indiquent qu’un grand nombre d’électeurs indépendants n’ont pas suivi chacune des péripéties judiciaires de M. Trump ces derniers mois. Mais une condamnation au criminel serait susceptible de changer l’allégeance de certains.

Le mois dernier, un sondage du Wall Street Journal donnait une avance de quatre points à M. Trump sur Joe Biden. Mais une condamnation de Trump placerait plutôt M. Biden en avance.

Un sondage du New York Times en décembre indiquait que le tiers des électeurs républicains croient que M. Trump devrait abandonner la course s’il est reconnu coupable, même si cela survient une fois qu’il a été désigné comme candidat à la présidence.

Enfin, selon un sondage Reuters-Ipsos publié cette semaine, M. Trump jouit d’une légère avance sur M. Biden. Mais s’il devait être reconnu coupable, 31 % des électeurs républicains disent qu’ils ne voteraient pas pour lui. Cela serait suffisant pour donner la victoire à l’actuel président.

Pour cela, il faudrait que les procès se déroulent rapidement. Le procès pour tentative de subversion du processus électoral est prévu en mars et celui pour possession illégale de documents classifiés aurait lieu en mai. Mais il est d’ores et déjà évident que les avocats de M. Trump vont tout faire pour ralentir le processus et il se pourrait que ces procès ne s’ouvrent qu’après l’élection du 5 novembre prochain.

Or, le seul fait qu’il y ait des poursuites criminelles devant les tribunaux peut aussi avoir d’autres effets pervers pour le candidat Trump. Les juges vont certainement le forcer à justifier chacun de ses arguments, ce qui va placer l’ancien président devant ses propres contradictions.

Les avocats de M. Trump ont fait valoir devant la Cour d’appel du district de Columbia que le président jouissait d’une immunité absolue pour tous les gestes faits pendant sa présidence. M. Trump a ensuite affirmé que tous les présidents devaient bénéficier d’une « immunité absolue » pour tous les actes accomplis pendant leur mandat.

Il y aurait, pour le moins, une logique douteuse à permettre ainsi à un président d’enfreindre les lois et la Constitution des États-Unis. Le président jure pourtant, au moment de prêter serment, de « préserver, protéger et défendre » la Constitution.

Comme l’a dit la juge Karen Henderson – une républicaine – lors des audiences sur l’immunité du président, « son devoir constitutionnel de faire appliquer les lois lui permettrait alors d’enfreindre ces mêmes lois ».

Voilà qui est pour le moins étrange quand on sait que M. Trump promet, s’il est élu, de poursuivre le président Joe Biden « pour tous les crimes qu’il a commis comme président ».

Pendant un discours de campagne dans une assemblée partisane, on peut dire tout ce que l’on veut sans risque d’être contredit. Et M. Trump ne s’en prive pas. Mais devant un tribunal, les juges n’ont pas l’habitude de tolérer de tels discours.

Le véritable problème pour M. Trump, c’est que tout cela commence à avoir un effet auprès des électeurs républicains que l’on disait souvent être un bloc solide derrière leur candidat.

Dans un sondage de NBC et du Des Moines Register réalisé la semaine dernière en Iowa où se déroulait le premier caucus de cette saison électorale, par exemple, pas moins de 43 % des partisans de Nikki Haley, la rivale républicaine de M. Trump, ont affirmé être prêts à voter pour Joe Biden lors de l’élection de novembre.

Évidemment, nous sommes à 11 mois de l’élection et beaucoup d’eau va couler sous les ponts. Cette élection présidentielle va être très serrée et rien n’est encore joué.

Mais une chose est certaine : les 91 chefs d’accusation contre M. Trump vont jouer un rôle de plus en plus grand dans la campagne électorale. Et alors que M. Trump a tout fait pour que sa présence devant les juges devienne un avantage, tout indique que ce n’est plus du tout le cas.

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