Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Stéphane Dompierre.

Mon gars. Je te regarde aller. Ça fait quelques mois déjà que t’es entré au secondaire et t’as les hormones dans le tapis. Je réalise qu’il est temps de te dire quelques affaires importantes. Permets-moi donc de m’endavidgoudreautiser le temps d’un texte, je vais tout de même faire attention à ne pas mettre trop de rimes ni d’allitérations. Ça va aller vite, tu vas voir. Cinq minutes si tu ne roules pas trop souvent des yeux. Quatre si tu ne fais pas les points ni les virgules. Je vais te dire des choses que les femmes répètent depuis des années, mais qu’il faut sans cesse rappeler, ça a l’air. Go.

Le plus important : ne viole pas les filles. Ça, c’est pas mal la base. Un truc simple pour t’en souvenir : toi, aimerais-tu ça te faire violer ? C’est pareil pour elles. Ce sont les filles qui se font agresser en grande majorité, mais ce ne sont pas elles qu’il faut mettre en garde, ce sont les gars. Pas d’agresseur, pas de victime, on s’entend là-dessus ? Mathématiques de base.

Ensuite, il y a le consentement. Si t’as envie de faire quelque chose avec quelqu’un, t’as besoin de son accord. Une activité de nature sexuelle sans consentement, c’est de la violence sexuelle. Ça va peut-être t’étonner, mais en général, les filles n’aiment pas beaucoup recevoir des photos de pénis. Et dis-toi que si t’en envoies, ça se pourrait que quelqu’un mette ça sur l’internet et que moi et toute ta famille, on tombe là-dessus. As-tu envie que ce soit le sujet chaud du prochain party de Noël ? Moi non plus.

Lâche tes amis de gars quelques minutes. Il y a les filles, aussi. Intéresse-toi à ce qu’elles font. À ce qu’elles disent. Pose-leur des questions. Écoute les réponses.

Crois-moi, tu veux être capable d’avoir des conversations avec les filles plutôt que d’être pogné au fond de la cour d’école avec les trois-quatre gnochons qui disent qu’ils n’ont pas besoin de ça dans leur vie, les filles. Intéresse-toi pas juste à elles quand tes hormones bouillent et débordent.

Lis des livres écrits par des femmes. Il est ben bon, Stephen King, mais ce n’est pas avec ses livres que tu vas comprendre les femmes. Avec King, elles sont psychopathes, tueuses, détraquées ou un mélange des trois. En tout cas, elles sont dangereuses. Elles tuent. Dans la vraie vie, les statistiques le disent, ce sont les hommes qui tuent. Commence pas avec ton : « Oui, mais j’ai lu une nouvelle à propos d’une femme qui… » Chut ! Nomme-moi une seule fusillade dans une école aux États-Unis commise par une femme, et on s’en reparle.

Tsé, la fille qui mange toute seule à la cafétéria, celle dont tout le monde parle dans son dos sans la connaître ? Je serais le père le plus fier au monde si t’allais t’asseoir avec elle et que tu lui demandais comment elle va.

Tu serais surpris, c’est peut-être la fille la plus intéressante de l’école. Derrière son sourire, il y a peut-être quelqu’un de joyeux, mais peut-être quelqu’un de très triste, qui a vécu plein d’affaires poches, qui tente de pas trop le montrer en s’accrochant ce sourire-là dans la face. Quelqu’un qui ne se sent pas à sa place, qui se sent incompris, mais qui fait semblant de rien. Quelqu’un à qui ta présence pourrait faire du bien. Si t’hésites à aller lui parler de peur que tes amis de gars te trouvent ridicule, dis-toi qu’ils cherchent juste une occasion ou une autre de rire de toi. Si ce sont de vrais amis, ils vont venir te rejoindre et s’asseoir avec vous.

Je ne sais pas ce que tu vas devenir dans la vie, mais je sais que si tu côtoies des femmes, si ce que tu fais et ce que tu dis t’attirent leur confiance et leur respect, et que tu fais honneur à cette confiance et à ce respect, tout va bien aller. Bien franchement, j’ai toujours trouvé les filles plus cool que les gars, et je regrette pas mal toutes les fois où je n’ai pas osé aller à leur rencontre.

Je te parle des femmes, mais je te parle aussi de gens qui ne s’identifient pas nécessairement à un genre ou à un autre. Va googler LGBTQ+ et respecte tous ces gens-là, pas juste tes amis de gars qui te ressemblent. Y en a que tu vas trouver étranges et compliqué.e.s. Désolé de te l’apprendre, mais toi aussi, t’es étrange et compliqué.

La vie est étrange et compliquée.

Mon gars, je sais bien que tu n’existes pas pour vrai, mais bon, si jamais un lecteur ou une lectrice trouve une phrase dans ce texte assez intéressante pour la faire lire à son fils, je pourrai dire que je ne l’ai pas écrit pour rien.