Il a d'abord écrit Bienvenue chez les Ch'tis comme une modeste «comédie d'auteur» qui rétablirait la réputation un peu «galvaudée» de sa région natale : le Nord. Vingt millions de spectateurs plus tard, Dany Boon est toujours aussi humble devant le triomphe.

Vu d'ici, on imagine mal l'ampleur de ce succès. Depuis sa sortie dans l'Hexagone à la fin du mois de février, d'abord en avant-première dans le Nord, puis, dans tout le reste de la France, Bienvenue chez les Ch'tis a emprunté là-bas les allures d'un véritable phénomène social. Plus de 20 millions de Français se sont rués dans les salles pour savourer cette comédie que Dany Boon a écrite et réalisée pour faire honneur à la région dans laquelle il a grandi. C'est dire que pratiquement un Français sur trois a vu ce film dont il est la vedette avec Kad Merad.

«Et environ un sur sept l'a piraté sur internet!» lance-t-il en riant.

À 42 ans, le plus célèbre des Ch'tis ech'time que ce triomphe n'a pas vraiment changé sa vie. «Ce sont surtout les autres qui changent, a-t-il expliqué hier au cours d'une entrevue accordée à La Presse à la faveur d'une courte tournée de promotion québécoise. Une fois passées la joie et l'excitation d'avoir battu un record historique que détenait jusque-là La grande vadrouille, un film sorti l'année de ma naissance, cela ne change rien de ce que je suis, ni ma façon d'aborder ce métier. Ce sont plutôt les autres qui s'inquiètent pour moi. Ils pensent qu'un phénomène comme celui-là doit forcément être difficile à gérer. Un peu comme si je m'étais tapé un bide total. On a parfois l'impression que les deux extrêmes se rejoignent!»

Au départ du film, l'envie de rétablir un peu la réputation «galvaudée» qu'a la région du Nord auprès des autres Français. Et détourner la tonne de clichés qui l'accompagne : région tristounette peuplée de gens pauvres qui s'expriment dans une langue régionale incompréhensible - le ch'timi - avec un accent qui l'est tout autant. Un environnement de mines et de chômage. Avec, à la clé, une âpreté dans les rapports humains.

«Dès qu'un film se déroule dans le Nord, c'est forcément un drame, observe Boon. J'adore les films de Bruno Dumont mais ils n'ont rien de très joyeux. Et ils montrent de la région une image plutôt dure!»

L'auteur cinéaste, qui est déjà venu présenter au Québec plusieurs spectacles (notamment dans le cadre du Festival Juste pour rire), tenait à rééquilibrer les choses en s'attardant d'abord aux valeurs humanistes des gens du Nord. Qui, dit-on, «ont dans leur coeur le soleil qu'ils n'ont pas dehors». Boon utilise d'ailleurs dans son film un proverbe typique de sa région : «Quand un étranger vient dans le Nord, il pleure deux fois : quand il arrive et quand il part!»

«Je tenais à ce que cette histoire cristallise des valeurs de générosité, de tolérance, de tendresse, explique Boon. Sans qu'il n'y ait aucun cynisme. Qu'autant de spectateurs se soient présentés dans les salles pour aller voir un film prônant la tolérance me rend heureux. Parce que notre époque en manque cruellement.»

Nouveau prince

Le sujet est si cher au coeur de Dany Boon que ce dernier a même attendu de peaufiner son expertise de cinéaste avant de mettre en chantier ce projet. Même s'il a eu l'idée de Bienvenue chez les Ch'tis il y a longtemps, l'auteur cinéaste a préféré réaliser un premier long métrage, La maison du bonheur, avant de se lancer dans ce film si personnel.

«Ce succès arrive aussi à un moment où il existe un parfait accord entre ce que je suis et ce que les gens perçoivent de moi, ajoute-t-il. J'en suis flatté. Cela est très rassurant et très reposant. Je n'ai pas à fabriquer un personnage lorsque je me présente en public. Je suis moi-même.»

Nouveau prince du cinéma français, Dany Boon voit désormais ses participations dans les films des autres comme de véritables vacances. La vedette de La doublure (Francis Veber) et de Mon meilleur ami (Patrice Leconte) a d'ailleurs tourné le nouveau film de Danièle Thompson (Fauteuils d'orchestre), intitulé Le code a changé, et sera aussi de Micmacs à tire-larigot, le prochain film de Jean-Pierre Jeunet.

Boon compte par ailleurs se lancer dans la réalisation de son troisième long métrage dès l'an prochain. Qui n'a rien à voir avec les Ch'tis. À cet égard, il voit mal comment envisager une suite à son film-triomphe. Du moins, dans un avenir rapproché.

En attendant, il servira de conseiller artistique pour le remake américain, dont la vedette sera Will Smith.

«On m'a proposé de réaliser ce remake moi-même, mais je ne me vois vraiment pas dans ce rôle, explique-t-il. Je ne connais pas assez la culture américaine pour m'y coller. Je sais toutefois que Will Smith est quelqu'un qui s'entoure de gens de qualité. C'est ce qui m'importe. Nous avons eu la même exigence pour vendre les droits de distribution du film dans les pays étrangers. Nous avons ainsi préféré céder ces droits à des gens qui allaient s'occuper du film intelligemment.»

Visiblement, ce fut une och'ti de bonne stratégie.

Les 5 champions du cinéma français

1 - Bienvenue chez les Ch'tis, de Dany Boon (2008) 20 275 267 entrées (au 8 juillet)
2 - La grande vadrouille, de Gérard Oury (1966) 17 270 304 entrées
3 - Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, d'Alain Chabat (2002) 14 557 020 entrées
4 - Les visiteurs, de Jean-Marie Poiré (1993) 13 780 000 entrées
5 - Le corniaud, de Gérard Oury (1965) 11 740 000 entrées

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Présenté en primeur au Festival du film de Juste pour rire, Bienvenue chez les Ch'tis prendra l'affiche le 25 juillet.