Un enfant abandonné, un soir, dans un taxi, voilà le point de départ de Suzie. Dans son plus récent film, Micheline Lanctôt conduit le spectateur dans un univers où le vernis des faux-semblants craque à tout moment. Une sorte de voyage au bout de la nuit dont aucun des personnages principaux ne sortira indemne. La Presse s'est entretenue avec les deux comédiens qui incarnent les parents perturbés d'un enfant qui l'est au moins autant.

Pour Micheline Lanctôt, Pascale Bussières porte les habits d'une mère au bout du rouleau, déchirée entre un fils autiste et un mari abonné absent joué par Normand Daneau. En une nuit et beaucoup de cris, le couple brisé liquidera le poids de nombreuses années de silence et de souffrance.

Pour Suzie, Micheline Lanctôt se retrouve à l'écran avec la comédienne qu'elle a révélée au métier, Pascale Bussières. C'était en 1984 dans Sonatine. Depuis, il y a eu Deux actrices et quelques retrouvailles à la télévision (Belle-Baie).

«Ce n'est jamais difficile de me convaincre de tourner avec Micheline, admet Pascale Bussières. Nos vies s'entrecroisent périodiquement, la vie nous fait nous recroiser invariablement. J'ai beaucoup de plaisir à jouer et à être dirigée par elle: cela me ramène 27 ans en arrière.»

Suzie met donc en scène Viviane, une mère seule poussée à bout par l'autisme de son fils. «Il y a le sentiment d'être vampirisée, de ne plus être dans son corps: c'est un sacrifice trop grand, l'enfant devient finalement l'objet de la souffrance», dit Pascale Bussières à propos de son personnage.

Un père démuni

Face à elle, un père démissionnaire, ramené par les circonstances auprès de son ex. «C'est un père qui se trouve démuni, croit Normand Daneau. J'ai l'impression que, contrairement à la mère, il essaie de passer à autre chose. Il décide de refaire sa vie, et on le prend dans un moment disgracieux.»

Toute l'action de Suzie se déroule en une seule nuit. C'est la chauffeuse de taxi, Suzie - jouée par Micheline Lanctôt - qui amène le spectateur chez un couple en plein affrontement. «Toute l'histoire de cette famille se trouve dans une scène de 10 minutes où tout se vomit», dit Normand Daneau.

«J'ai de l'empathie pour tous les personnages du film: on assiste à beaucoup de lâchetés, ce sont des situations difficiles à vivre. On assiste à cette confrontation, ça sert l'action, mais on ne juge pas les personnages», poursuit le comédien.

Dans la majeure partie du film, jusqu'au dénouement final, le conflit des parents s'expose à Suzie et au spectateur qui découvre une Pascale Bussières tout à fait hors d'elle, jurant, proférant des injures et se battant contre tout ce qu'elle trouve. «C'est très «over», je n'ai pas confiance en ça: quand on explose, on est exagéré, vulgaire, violent», justifie-t-elle.

Micheline Lanctôt ne cache pas sa satisfaction quant à la performance de Pascale Bussières. «La seule chose que je voulais, c'est rester en deçà de la sentimentalité. Je voulais que Pascale trouve sa justesse, et comme elle est naturellement très juste, ça n'a pas été très difficile», sourit la réalisatrice.

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Suzie prend l'affiche le vendredi 17 avril.
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À lire aussi: Le portrait de Micheline Lanctôt, en page 10.