Le cinéma indépendant a la cote ces jours-ci au Québec. Dans le rayon des cinéastes qui font leur film avec les moyens du bord, quitte à y investir toutes leurs économies, il y a Isabelle d'Amours, qui vient de réaliser Les mots gelés, son tout premier film.

Et ce long métrage mettant en vedette Pierre-Luc Brillant, Jacques Godin et Marc Paquet pourrait, comme d'autres films tournés malgré l'indifférence des organismes subventionnaires, connaître une belle carrière internationale.

Dans Les mots gelés, Isabelle d'Amours raconte la chute d'un trentenaire en dépression (Pierre-Luc Brillant). Parce que sa mère a été assommée par les traitements, le jeune homme refuse de prendre des médicaments. Le film décrit la «lente descente d'un jeune homme vers la dépression et son suicide», dit Pierre-Luc Brillant.

Isabelle d'Amours a accouché du scénario des Mots gelés pendant un congé sabbatique, en 2007, durant lequel elle souhaitait se consacrer à l'écriture. Professeure de cinéma au Cégep de Saint-Hyacinthe, la jeune femme renoue alors, à la mi-trentaine, avec ses premières amours.

«Je me suis dit: je n'ai rien fait en termes de films depuis ma sortie de l'université, depuis 15 ans. Je me suis aussi dit que j'avais 37 ans, et que ce n'était pas à 50 ans que je pourrais faire un film», se souvient-elle. Ses économies sont investies dans la production du film, tourné, en tout et pour tout, avec 290 000 $.

Sans autres liens avec le monde du cinéma que le contact avec une ancienne camarade de l'UQAM - la directrice photo Claudine Sauvé, qui participe au film -, Isabelle d'Amours soumet son scénario à Pierre-Luc Brillant. «J'ai trouvé ça solide: c'est rare, dans le cinéma québécois, de faire un film d'une lenteur tarkovskienne», s'amuse le comédien.

Le tournage des Mots gelés démarre pendant l'hiver 2008. Après le premier montage, Isabelle d'Amours se retrouve sans le sou. Elle se tourne vers le producteur Daniel Morin, de Boréal Films. «J'ai eu un véritable coup de coeur. Isabelle a tourné dehors, en hiver, les images sont vraiment très belles et la performance de Pierre-Luc Brillant est magistrale», explique le producteur.

Daniel Morin présente Les mots gelés à la SODEC, en même temps qu'un autre de ses projets, le premier film d'un jeune réalisateur: Xavier Dolan. «Ironiquement, on s'est retrouvés au même comparatif que J'ai tué ma mère», dit-il. La SODEC a finalement soutenu J'ai tué ma mère, dont c'était hier la première montréalaise.

«Il y a eu beaucoup de demandes à la SODEC et je n'ai pas rencontré leurs critères. Je n'étais pas en colère, j'étais déçue», dit Isabelle d'Amours. Qu'à cela ne tienne: le projet se finalise grâce au crédit d'impôt et au soutien de Super Écran, touchant au passage le distributeur de K-Films Amérique, Louis Dussault.

S'il a échappé aux écrans radars lors de sa production, Les mots gelés d'Isabelle d'Amours retient l'attention des sélectionneurs de festivals de cinéma: passé près d'une sélection à la Semaine de la critique de Cannes, le film est encore dans les favoris d'un grand festival de cinéma européen. «C'est un film qui va faire un beau bout de chemin», croit Daniel Morin.

Après Denis Côté, Rafaël Ouellet, Noël Mitrani ou Stéphane Géhami, le cinéma indépendant et autofinancé a encore de beaux jours devant lui. «Le désengagement des institutions publiques comme Téléfilm, qui n'aide plus le cinéma indépendant ou la post-production fait que les jeunes n'hésitent plus à foncer: ils sont prêts à tout pour faire leur film», analyse Daniel Morin.

Habitué des productions «régulières» - C.R.A.Z.Y., Ma fille mon ange ou encore Tout est parfait - comme des productions indépendantes - Sur la trace d'Igor Rizzi de Noël Mitrani ou Les plus beaux yeux du monde de Charlotte Laurier - Pierre-Luc Brillant croit que «la vitalité du cinéma québécois dépend de plus en plus du cinéma indépendant». «Ça ne fait pas de moi un être riche, mais pour l'art, ça vaut la peine», philosophe-t-il.

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Les mots gelés prendra l'affiche l'automne prochain.