1985. Saint-Hilaire. Alors que les téléphones avaient encore des fils et que les couleurs pastel avaient la cote, Marcel, ex-comédien de variétés tentera de faire revivre son art. Tâche difficile à cette époque où le burlesque est snobé par une certaine élite culturelle. Avec le long métrage Cabotins, actuellement en tournage, Alain Desrochers fait une véritable incursion dans l'univers du vaudeville québécois.

Scène 1. Le rideau se lève sur Marcel. Le personnage, incarné par Rémy Girard, est dépeint comme un artiste de variétés déchu, un mari infidèle et un compagnon peu sympathique. Or, après avoir perdu toutes ses économies, l'homme, qui a un fichu caractère, cherche un sens à son existence et décide de redonner vie à sa troupe de théâtre. Le sexagénaire prend alors la route de Montréal pour tenter de convaincre ses anciens comparses - qu'il n'a pas vus depuis une dizaine d'années - de remonter sur les planches.

Lady Moon, travesti en deuil incarné par Yves Jacques, Lucie, éternelle comique jouée par Dorothée Berryman et Roger, crooner par excellence et propriétaire de bar, interprété par Gilles Renaud, acceptent la proposition de leur compagnon d'armes. Ils émettent toutefois une condition: Pedro (Pierre-François Legendre), le fils de Marcel, doit se joindre à l'équipe. Or, les deux hommes ont des visions diamétralement opposées du théâtre populaire et peinent à s'entendre. Le thème du conflit intergénérationnel est une fois de plus abordé par le scénariste du film, Ian Lauzon, auteur de De père en flic.

Le fils, qui a fréquenté pendant quelque temps l'École nationale de théâtre, tient mordicus à ce que les comédiens apprennent un texte et s'en tiennent à leurs lignes, mais le père préfère improviser, à l'image de ce que faisaient la plupart des vieux routiers du burlesque. S'ajoutera également à cette bande de joyeux lurons, le personnage d'une jeune actrice en devenir, incarnée par Marie-Ève Millot, qui, au départ, lève le nez sur le burlesque. Sa perception risque toutefois de changer. Gaston Lepage, Guy Nadon, Louis Morissette, Sophie Faucher et Bianca Gervais font également partie de la distribution.

Un univers pas comme les autres

Si Cabotins permet de lever le voile sur un monde méconnu, le film a également donné l'occasion aux comédiens de se replonger dans cet univers particulier. «C'est une époque que j'admire, souligne Rémy Girard. Il y a quelques années, j'ai travaillé avec Gilles Latulippe. Quand tu te retrouves avec lui sur une scène et que tu dois faire rire les gens, il n'y a qu'une chose à faire: tu le regardes et t'apprends!» lance-t-il sans détour.

Et c'est dans un décor qui donne sans cesse l'impression d'être sur une scène que l'essentiel de l'action se déroule. Pour entretenir cette perception, le réalisateur, Alain Desrochers (La bouteille, Nitro) expliquait hier, lors d'une visite de plateau, qu'il a tenté de dénicher une maison - la demeure de Marcel - qui avait des allures d'amphithéâtre: aire ouverte sur deux étages avec mini-balcon tout autour, portes battantes à l'étage, imposant piano à queue blanc ainsi que l'incontournable escalier, lieu typique de plusieurs scènes en théâtre de variétés. Le tout a été apprêté à la sauce 1985 avec les électroménagers beiges, le petit poste de télévision à cadran dans la cuisine, les tables de salon blanches en mélamine, sans oublier... la classique table tournante et ses 33-tours.

Par ailleurs, bien que, par son titre, le film fasse référence à des comédiens sans talent, Cabotins, ne jette à aucun moment un regard condescendant sur le théâtre populaire, insiste le réalisateur. Celui qui a travaillé avec Claude Blanchard sur la série télévisée Music-Hall, veut plutôt rendre hommage aux Gratien Gélinas de ce monde. D'ailleurs, afin d'assurer une certaine authenticité, Alain Desrochers et Ian Lauzon, qui ont planché sur le projet pendant sept ans, ont effectué beaucoup de recherches sur le sujet et ont sollicité les services de Gilles Latulippe, figure de proue du théâtre de variétés. L'interprète de Symphorien pourrait bien d'ailleurs faire une apparition dans le film produit par Novem et dont la sortie en salle est prévue pour l'été 2010.

«J'ai de l'admiration pour le théâtre populaire, ajoute Ian Lauzon. Dans toutes les sociétés, il y a toujours eu un type d'art considéré comme vulgaire, loin de la comédie classique», déplore-t-il. Le tournage du film, dont le budget est de 4,8 millions, prendra fin le 4 octobre.