Le premier week-end du Festival de Toronto a été marqué par la présentation de nombreux films de prestige. Pour Danny Boyle, c'est aussi un retour dans la ville où la marche triomphale de Slumdog Millionaire a commencé...

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Le film 127 Hours est terrifiant. Le nouvel opus de Danny Boyle n'est pourtant pas un film d'horreur. Il ne mise pas non plus sur des frissons bon marché pour provoquer ses effets. À Telluride, où le film a été présenté en première mondiale le week-end dernier, on raconte que des spectateurs se seraient évanouis pendant la projection. Pas d'échos semblables aux séances torontoises, même si les festivaliers ont dû s'armer de patience avant de pouvoir enfin voir la chose. Un pépin technique a en effet causé un chaos monstre samedi à la séance réservée aux journalistes et aux professionnels.

Qu'a-t-il de si terrifiant, ce film? Il raconte l'histoire d'un homme (James Franco) avide d'aventures et de randonnées sportives, qui, à la suite d'un incident tout bête, se retrouve coincé tout seul dans un ravin du Grand Canyon. Blessé à un bras, il n'a aucune possibilité de se sortir lui-même de sa fâcheuse situation. Ce récit, très anxiogène, est tiré de l'histoire qu'a vécue en 2003 un dénommé Aron Ralston.

Ce dernier a raconté hier avoir été d'abord hostile à l'idée que cet épisode traumatisant de sa vie soit porté au grand écran dans un film de fiction. «Un documentaire me semblait plus indiqué», a-t-il déclaré en soulignant avoir refusé l'offre de Danny Boyle dans un premier temps. «Mais j'ai finalement été convaincu qu'un film comme celui-là pouvait faire vivre aux gens les cinq jours d'horreur que j'ai vécus - ou du moins leur en donner l'idée.»

Pendant 90 minutes et des poussières, le réalisateur de Slumdog Millionaire entraîne le spectateur dans le calvaire de Ralston. James Franco, pratiquement seul à l'écran du début à la fin, interprète avec grande conviction cet homme qui, pour survivre et conserver sa santé mentale, doit puiser en lui des ressources insoupçonnées.

«Évidemment, le film pourrait être incroyablement inerte en un sens, explique de son côté le réalisateur Danny Boyle. Nous avons ainsi conçu 127 Hours comme un film d'action dont le héros est un homme qui ne peut pas bouger. Cela nous a forcés à créer un sentiment d'urgence.»

Même si le personnage est coincé dans ses mouvements, Boyle utilise tous les moyens dont il dispose sur le plan visuel et sonore pour créer un climat de tension. Cette tension est accentuée par une inévitable course contre la montre, l'homme ne pouvant tenir très longtemps dans ces conditions. L'approche est parfois un peu tape-à-l'oeil, mais le film produit indéniablement l'effet escompté. À vrai dire, nous n'avions pas ressenti une si forte impression de claustrophobie au cinéma depuis L'homme qui voulait savoir il y a une vingtaine d'années...

Belle délégation québécoise

La première mondiale d'À l'origine d'un cri a eu lieu pendant le week-end à Toronto. Après Route 132 de Louis Bélanger (présenté ici après avoir ouvert le FFM), il s'agit du deuxième des huit longs métrages québécois à avoir eu droit à sa présentation officielle. Ce nouveau film - vraiment magnifique - de Robin Aubert (Saints-Martyrs-des-Damnés) suit à la trace le mal-être de trois hommes de générations différentes, liés par les liens du sang. Parsemé de touches d'humour malgré le climat très dramatique dans lequel il baigne, À l'origine d'un cri se distingue par le regard original que l'auteur cinéaste pose sur ses personnages, de même que par un style qui évoque à la fois le cinéma de Forcier et de Lauzon. La qualité exceptionnelle des performances de Jean Lapointe, Michel Barrette et Patrick Hivon est aussi à souligner.

À la sortie de la projection, Robin Aubert était étonné de constater que les salles étaient pleines, mais il était surtout ravi par l'ouverture d'esprit dont font preuve les spectateurs.

«J'ai fait ce film avec mon coeur, avec mes tripes, et je m'aperçois qu'il est perçu différemment selon ce qu'a vécu l'individu qui le regarde, a-t-il fait remarquer hier. Et quand on sent que ce qu'on propose avec sincérité semble atteindre le coeur des gens, c'est ben le fun

Fort de ses présentations à Venise et à Telluride, Incendies (Denis Villeneuve) aura droit à sa première officielle en sol canadien aujourd'hui. La première nord-américaine de Curling, qui a valu à Denis Côté un prix de la mise en scène et à Emmanuel Bilodeau un prix d'interprétation à Locarno, aura par ailleurs lieu demain.

«Toronto constitue indéniablement la porte d'entrée de l'Amérique du Nord, car tous les gens de l'industrie et des festivals de cinéma sont ici», a indiqué hier l'auteur cinéaste.

«J'aime bien aussi les séances de questions-réponses qui ont lieu après les projections, a ajouté Denis Côté. Le public torontois est extrêmement poli. Et gentil à un niveau où ça en devient presque suspect! En tout cas, je sais que je suis en sécurité ici. Et que ceux qui n'aimeront pas mon film préféreront ne rien dire plutôt que de m'agresser verbalement!»

Hommage de Woody Allen à Chabrol

À la fin d'une conférence de presse organisée pour des journalistes sélectionnés en vue de la sortie prochaine de You Will Meet A Tall Dark Stranger, Woody Allen, à l'invitation de La Presse, a commenté la disparition de Claude Chabrol. «Évidemment, ce départ m'attriste beaucoup, a-t-il déclaré. À mon avis, Claude Chabrol fait partie des géants du cinéma, au même titre que Bergman, Antonioni et tous les grands maîtres. On peut quand même trouver réconfort à la pensée que son oeuvre lui survivra.»