Les médias rapportent souvent des histoires de vacances qui tournent mal, de Québécois plongés dans des situations périlleuses à l’étranger.

Dans le film Angle mort de Dominic James, la semaine de repos de Stéphanie (Karine Vanasse) et Éric (Sébastien Huberdeau) au soleil tourne littéralement au cauchemar. Entrevues.

Certaines scènes du film Angle mort de Dominic James nous renvoient inévitablement à Duel, bon vieux thriller routier qui a lancé la carrière de Steven Spielberg. Ce conducteur replié dans l’ombre. Ce gros véhicule, noir et menaçant, qui surgit toujours au bout de la route. Ces phares aveuglants. Cette violence inassouvie...

«J’ai revu Duel avant de tourner le film, opine le réalisateur lorsqu’on lui fait la remarque. Le film de Spielberg est une bonne référence en ce qui a trait à l’équilibre que doit avoir un suspense. Dans les récents films du genre, on a tendance à aller vers l’horreur et les cheap thrills. Alors que, dans des films plus anciens tels Duel, Jaws ou les Hitchcock, il y avait un équilibre entre le suspense et les personnages, entre la sensibilité humaine et les sentiments à vivre (peur, tension, etc.).»

Ces deux visages du suspense chers au réalisateur, on les retrouve dans Angle mort à travers Stéphanie (Karine Vanasse) et Éric (Sébastien Huberdeau), couple moderne et ambitieux qui prend une semaine de vacances dans la République (fictive) de Santiago pour essayer de se ressouder. Mais on les retrouve aussi à travers le tueur (Peter Miller), habitant du pays investi d’un délire de vengeance envers des buveurs au volant.

Dans l’esprit de Dominic James, il était important de donner aussi ce côté plus «humain» au tueur. «Sur papier, c’est un colosse brûlé, dit-il. Mais Peter et moi ne voulions pas tomber dans le cliché du gros monstre. On se demandait quel angle aborder pour le définir. Or, lorsque nous avons fait les tests de caméra avec les maquillages d’Adrien Morot (voir notre article sur ce finaliste aux Oscars dans ce cahier), la réaction des gens a été incroyable. On sentait leur malaise. Et je me suis dit que c’était ça que Peter devait jouer: quelqu’un qui souffre, qui se cache, qui a besoin de rester dans l’ombre.»

Des comédiens solides

Pour traduire à la fois suspense et sensibilité humaine, le réalisateur devait compter sur une distribution solide. Ce qu’il a obtenu, dit-il, avec le trio Vanasse-Huberdeau-Miller. Et cela a débordé du jeu à l’écriture. Sur le plateau, tout le monde a participé à retravailler les dialogues pour ancrer davantage les personnages dans la réalité, dit Sébastien Huberdeau.

«On a partagé nos idées. C’était un bon work in progress», dit le comédien.

Karine Vanasse n’en est pas au premier film où son personnage côtoie la violence masculine sous plusieurs formes (Ma fille, mon ange, Séraphin, Polytechnique). Mais ici, ce face-à-face se vit en couple, fait-elle observer, ce qui est nouveau.

«J’ai souvent joué une fille qui se retrouve prise toute seule dans une situation, dit-elle. Dans ce cas-ci, je trouvais intéressant d’avoir à jeter constamment un regard sur l’autre. Avec Sébastien, nous devions avoir une chimie crédible, former un couple moderne sans tomber dans les clichés et créer quelque chose d’assez réaliste.»

Sébastien Huberdeau et elle se connaissent bien pour avoir joué dans Polytechnique de Denis Villeneuve et ont un grand respect l’un pour l’autre.

«Dans ce film, le côté thriller nous est donné dans une forme assez classique. Mais l’histoire secondaire entre Stéphanie et Éric est aussi intéressante à explorer, défend Karine Vanasse. Cela ajoute beaucoup au film. Et comme ni Sébastien ni moi n’avions fait de thriller auparavant, on découvrait la forme du jeu ensemble et on s’écoutait. Sébastien sait très bien jouer les demi-tons. Dans Angle mort, son personnage pogne parfois les nerfs envers sa blonde, mais il ne veut pas trop la heurter non plus.»

«Karine est une comédienne très rigoureuse, dit de son côté Sébastien Huberdeau. Elle a beaucoup d’écoute et est curieuse. Karine est une comédienne qui réfléchit. Moi, je suis davantage un impulsif.»

En lisant le scénario de Martin Girard, Huberdeau était heureux de voir en Éric un personnage plus léger que d’ordinaire. «Dans mes dernières années, j’ai joué des choses assez denses et substantielles, des êtres ténébreux, voire angoissés, dit-il. Alors qu’Éric est un gars qui n’a pas de grands tumultes intérieurs. Ce n’est pas un gars qui se pose des questions. Et c’est assez rafraîchissant.»

Cuba sans eau

Le tournage d’Angle mort s’est déroulé durant deux mois, à l’hiver 2010, à Cuba. Or, le spectateur constatera que tout se passe à l’intérieur des terres. Jamais, il ne verra une des célèbres plages cubaines. C’était volontaire.

«Je souhaitais garder le contrôle sur les espaces, explique le réalisateur Dominic James. Je ne voulais pas que ça devienne trop un film “vacances”. Je trouvais intéressante l’idée qu’il y avait toujours quelque chose qui fermait les plans. À partir du moment où le couple est pourchassé par le tueur, il fallait faire en sorte que l’on ne voit pas ce qui se passe en arrière. La route est toujours un peu restreinte. En somme, il n’y a pas de sortie.»

Ce qui, on le comprend, s’inscrit dans le ton du thriller. James a volontairement fermé les horizons. «Dans le cas contraire, cela aurait donné une illusion d’évasion, croit-il. Alors que là, on reste dans une atmosphère assez contrôlée.»