Pour son troisième tour derrière la caméra, Guillaume Canet s’est livré comme jamais dans un film sur l’amour et l’amitié. Une histoire de «potes» à la Sautet ou à la Robert, mâtinée d’une approche à la The Big Chill.

Même si Ne le dis à personne a confirmé son statut de cinéaste en France et lui a valu des Césars, Guillaume Canet a quand même vécu un coup de blues après l’aventure. Fatigue, surmenage, comme une impression de ne plus avoir le temps de vivre. Un petit ennui de santé s’en est mêlé, l’obligeant à séjourner à l’hôpital au beau milieu de la saison des vacances. Les potes sont allés à la mer. À la frustration s’est ajoutée une grande remise en question. De là l’idée de ces Petits mouchoirs, film éminemment personnel dont l’écriture a jailli de façon presque torrentielle.

«J’ai écrit le scénario d’une traite, a confié récemment Guillaume Canet à La Presse. Il y a quelque chose de moi dans tous les personnages du film, tant les hommes que les femmes. Nous vivons dans une société où les individus sont tellement tournés vers eux-mêmes qu’on peut passer 15 jours en vacances avec des potes sans ne jamais se parler vraiment, ni avoir la bienveillance de se demander si on va bien. On vit à 100 à l’heure, on ne prend plus le temps de digérer les choses, on zappe tout. Résultat? On passe bien souvent à côté de ceux qu’on aime.»

Les «petits mouchoirs», ce sont justement ces petits mensonges qu’on se dit à soi-même pour cacher ce qu’on ne veut pas voir ou admettre. Dans le film, huit amis se retrouvent en vacances au Cap Ferret pendant qu’un neuvième, victime d’un accident, se rétablit dans un hôpital à Paris. Benoît Magimel, Marion Cotillard, François Cluzet, Pascale Arbillot, Valérie Bonneton, Gilles Lellouche, Laurent Lafitte et Jean Dujardin tiennent l’affiche de ce que d’aucuns qualifient de Big Chill français. Le public a visiblement souscrit au questionnement du cinéaste: plus de cinq millions de spectateurs se sont rués dans les salles, faisant de ces Petits mouchoirs le film français le plus populaire de l’année 2010 dans l’Hexagone.

Jouer franc jeu
«J’ai voulu montrer une bande d’amis qui se rapprochent à cause d’un événement dramatique, dit Canet. Il n’est pas certain que leur amitié puisse survivre, cela dit. Dès que l’on joue franc-jeu, cela crée forcément des tensions. Mais même si à peu près tous les personnages sont emprisonnés dans leur égocentrisme, j’avais quand même envie de les racheter.»

Pour camper les personnages, Guillaume Canet a fait appel à de vrais amis, ainsi qu’à la femme qui partage sa vie, Marion Cotillard. Pour lui, il ne pouvait en être autrement.

«Je savais très bien qu’il était risqué de faire appel à des gens que j’aime. Mêler le travail et la vie personnelle comporte des pièges qu’il faut savoir éviter. Surtout dans un contexte où il règne une atmosphère de vacances. Il a fallu que j’impose mon autorité. Ce fut parfois un peu compliqué. Cela dit, je n’ai aucun regret, car tous mes amis comédiens sont formidables. Je referais le film exactement de la même façon, même si ce fut douloureux par moments. Pendant le tournage, il a fallu que je m’isole. J’étais celui qui leur rappelait que nous étions là pour tourner un film!»

De longue durée (2h30), tapissé uniquement de chansons anglophones et serti d’un dernier acte plutôt mélodramatique, Les petits mouchoirs a sans équivoque été adopté par le public français, moins par la profession. Le film a d’ailleurs pratiquement été écarté de la plus récente course aux Césars.

«J’assume totalement ce film tel qu’il est, réplique l’auteur cinéaste. Je lui ai consacré deux ans de ma vie. J’y ai mis tout ce que j’ai. Je ne peux pas revenir en arrière. Que le film n’ait pas été appuyé par la profession, honnêtement, je m’en fous. D’autant qu’il a visiblement plu aux gens.»

Thèmes intimes et universels
Sans pouvoir vraiment expliquer les raisons pour lesquelles son film a trouvé un écho aussi fort auprès du public, Guillaume Canet estime que les thèmes abordés sont à la fois intimes et universels.


«Même si la plupart des personnages sont à la fin de la trentaine ou au début de la quarantaine, le propos transcende les générations, je crois. Tout le monde se pose les mêmes questions à un moment de sa vie: est-ce que ma relation amoureuse me satisfait? Ai-je la sexualité que je souhaite avoir? Suis-je heureux sur le plan professionnel? Les questions posées dans le film forcent le spectateur à se regarder bien en face. Et cela révèle à quel point nous vivons dans le mensonge.»

Prochaine étape dans la carrière de cinéaste de Guillaume Canet? La réalisation, aux États-Unis, d’un remake des Liens du sang, film de Jacques Maillot dans lequel il donnait la réplique à François Cluzet. Canet a coécrit le scénario de cette adaptation avec l’auteur cinéaste James Gray (Two Lovers).

«Je tournerai ce film en anglais, mais je me suis bien assuré d’obtenir les pleins pouvoirs et d’avoir droit au montage final, indique le réalisateur. J’aimais le film original, mais j’estimais que le sujet pouvait être plus développé. Étrangement, même si l’intrigue se déroulait en France, j’ai toujours vu cette histoire dans un décor américain. Et le fait de tourner en anglais aux États-Unis me donnera accès à d’autres acteurs.»


Guillaume Canet a par ailleurs récemment passé quelques jours à Montréal pour le tournage d’Une vie meilleure de Cédric Kahn, drame dont il partage l’affiche avec Leila Bekhti.

Les petits mouchoirs prend l’affiche le 15 avril.