Tiré du best-seller de l'année, La Couleur des Sentiments, projeté vendredi en ouverture du Festival du cinéma américain à Deauville, a séduit la famille du président Obama avant même de conquérir le box-office outre-Atlantique.

La First Lady, Michelle Obama, a elle-même présenté le film lors de la projection à la Maison Blanche de cette adaptation fidèle du roman de Kathryn Stockett - The Help en version originale -, l'histoire de bonnes noires et de leurs rapports aux familles blanches qui les emploient dans le Mississippi des années 60.

De retour à Jackson, la frondeuse Skeeter (Emma Stone) fraîchement diplômée, s'inquiète du sort de sa nounou, Constantine, disparue sans laisser d'adresse. Son enquête l'amène à interroger les autres bonnes qui l'ont connue: qu'est-ce que ça fait d'élever des enfants des blancs en laissant les siens à la maison?

«On les élève comme nos enfants, on les aime et un jour ils deviennent nos patrons...» répond en substance Minnie (Octavia Spencer).

C'est ainsi que germe dans la tête de la jeune fille l'idée de donner la parole à ces femmes, alors que le Sud profond est agité par la campagne pour les droits civiques et traversé par le cortège de violences racistes qui l'accompagnent en représailles.

Kathryn Stockett, l'auteur du roman (éditions Jacqueline Chambon), et Tate Taylor, qui signe le film, ont grandi ensemble à Jackson, Mississippi, à quelques «blocks» l'un de l'autre. Tous deux ont connu ces nounous à la peau sombre, tendres et aimantes : elle s'appelait Demetrie chez la grand-mère de l'écrivaine, Carol Lee chez le réalisateur.

«Mais moi j'étais très différente de Skeeter, j'étais tellement naïve, respectueuse des règles établies... Il m'a fallu cinq ans pour écrire l'histoire, et il lui en a pris trois de plus pour sortir le film. On n'avait aucune idée de l'ampleur que ça allait prendre», confiait jeudi à Paris Kathryn Stockett, en route pour Deauville.

Refusé 60 fois!

De son côté, Tate Taylor a entamé son adaptation avant même que le livre ne soit publié - le manuscrit ayant été refusé par une soixantaine d'agents littéraires avant de trouver preneur!

«Je pensais que l'histoire parlerait aux gens du Sud, que les noirs et les blancs la comprendraient... Mais je n'imaginais pas que ça puisse aller plus loin. Aujourd'hui, c'est devenu une histoire universelle et j'en suis fier», ajoute-t-il.

«On a tous été endoctrinés par ces préjugés de races et de couleur, même ici en France, avec cette histoire de Vénus Hottentote, arrachée au Bostwana pour être exhibée sur les foires en Europe», relève l'actrice Viola Davis (Aibileen à l'écran).

Originaire de Montgomery, Alabama, Octavia Spencer (Minnie Jackson) a grandi dans un environnement affectif - une grand-mère surtout - encore marqué par les discriminations des années 60: aussi, avoir montré le film à la famille du premier président noir des États-Unis constitue une victoire supplémentaire sur le passé.

«La First Lady a adoré le film. En le présentant, elle a insisté sur le fait qu'il restait encore beaucoup à faire, qu'il ne fallait pas s'arrêter là, en disant, imaginez ce qui se serait passé si Barack avait baissé les bras...»

«C'est un message primordial, surtout en ce moment où on se bat pour les droits civiques des homosexuels, hommes et femmes, afin qu'ils obtiennent le droit de se marier», ajoute-t-elle.

Avant sa sortie en France le 26 octobre, La Couleur des Sentiments devait donner le coup d'envoi des 37es festivités américaines sur les planches de Deauville, avec 97 films projetés d'ici au onze septembre, donc quatorze en compétition.