Invité d'honneur du festival Cinemania, Lambert Wilson s'est construit une filmographie de belle tenue en butinant d'un genre à l'autre entre deux parenthèses hollywoodiennes.

La toute première fois qu'il s'est retrouvé sur un plateau de cinéma, Lambert Wilson était adolescent. Alors élève au Drama Centre de Londres, le jeune acteur avait décroché un petit rôle dans Julia, un film réalisé par Fred Zinnemann, cinéaste légendaire à Hollywood.

«Il s'agissait de la toute première scène de ma vie - j'ai été convoqué pour une journée de tournage - et je me suis retrouvé à jouer à tête en tête avec Jane Fonda, rappelle-t-il au cours d'un entretien accordé à La Presse. Comme mon personnage devait avoir très peur, Zinnemann a cru que je jouais très bien. En réalité, j'étais vraiment terrorisé!

«Quatre ans plus tard, il m'a proposé sans même me revoir un rôle d'étudiant dans Five Days One Summer. Je suis alors passé par son bureau pour le remercier, on a pris un thé ensemble, et j'ai alors constaté qu'il me regardait d'une autre façon. En fait, il était en train de chercher son personnage de jeune premier. C'était l'époque où les acteurs pouvaient rencontrer directement les metteurs en scène, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Il ne m'a même pas fait passer d'audition. Je me suis retrouvé à jouer l'un des rôles principaux du film face à Sean Connery!»

Le rêve hollywoodien

À la fin des années 70 et au début des années 80, l'ambition hollywoodienne de Lambert Wilson était sans équivoque. Pour faire honneur à cette ambition, l'enfant de la balle, dont le père Georges était aussi acteur et metteur en scène, décide d'aller faire ses classes à Londres, histoire de bien maîtriser la langue de Shakespeare.

«À l'époque, mon modèle était Robert Redford, explique-t-il. J'aimais ses choix. Il pouvait faire des films politiquement engagés - The Candidate, Three Days of the Condor, etc. - et être un héros romantique tout à la fois. Un film comme Five Days One Summer est arrivé dans ma vie beaucoup plus tôt que je ne l'aurais cru. Ensuite, on m'a offert d'aller tourner Sahara avec Brooke Shields. Ce film était tellement ridicule, et mal mis en scène, qu'il m'a complètement dégoûté de cette tentative hollywoodienne.»

Lambert Wilson renonce alors à Hollywood. Une première fois. De retour en France, il tient alors à casser son image de jeune premier en acceptant des rôles d'hommes sombres et torturés. La femme publique (Andrzej Zulawski), Rendez-vous (André Téchiné), Corps et biens (Benoît Jacquot) procèdent notamment de cette volonté tout à fait assumée.

«C'était un choix délibéré qui faisait aussi écho au côté plus destroy des années 80», commente-t-il avec un sourire.

À l'orée du nouveau millénaire, le destin appelle Lambert Wilson à Hollywood une nouvelle fois. Quand il fait des essais pour The Matrix, l'acteur, plus mûr, est mieux en mesure de faire la part des choses. Et prend les choses avec un peu plus de distance.

«J'ai ensuite enchaîné avec d'autres productions hollywoodiennes, des trucs comme Sahara, qui n'a rien à voir avec l'autre film, et Catwoman, fait remarquer l'acteur. Mais les propositions sont devenues moins intéressantes.

«Il est très difficile d'être un acteur français à Hollywood. Même si je peux m'exprimer en anglais sans accent, il reste qu'à leurs yeux, je reste un Français. Et dès lors, on ne me propose que des personnages français.

«Or, ces rôles relèvent du cliché et sont souvent ridicules. Je ne suis pas prêt à sacrifier la vie que je mène pour m'installer à Los Angeles, une ville où je ne suis pas à mon aise. En fait, l'éloignement ne me réussit pas.»

Une carrière multiple

Lambert Wilson, dont le nom peut facilement être anglicisé, estime lourd le poids identitaire français.

«Je suis très attiré par culture anglo-saxonne, mais il est vrai qu'il existe un fossé entre Londres et Paris encore plus grand que l'Atlantique!»

Aujourd'hui, l'acteur préfère se concentrer sur une carrière multiple, où comédies musicales, théâtre et cinéma lui permettent d'explorer toutes les facettes de son talent.

«Je suis guidé par le plaisir de jouer, dit celui qui, récemment, a tenu l'affiche pendant un mois dans The King and I au Théâtre du Châtelet à Paris. La notoriété n'est pas un but en soi, si ce n'est d'en avoir un minimum de manière à pouvoir accéder à de beaux projets. Mon moteur n'est ni la gloire ni l'argent. Plutôt la substantifique moelle du jeu. C'est ce qui me motive. Je cherche le miel, en fait. Je butine. Ma démarche est peut-être moins limpide, mais en France, on me propose des choses variées et intéressantes.»

L'acteur déplore toutefois l'absence de rayonnement international des oeuvres de langue française.

«Peut-être est-ce le prix à payer pour notre arrogance, dit-il. Mais le fait est que nous sommes isolés. Les oeuvres qui parviennent à percer le marché international en français correspondent à l'idée que se font les étrangers de la France.

«De leur côté, plusieurs artistes français se croient encore les rois du monde et sont surpris de ne pas être reconnus quand ils sortent du monde francophone. Ou même quand ils sortent de la France!»

Lambert Wilson a choisi lui-même les neuf films faisant partie de la sélection présentée à la Cinémathèque québécoise.

«J'ai évidemment choisi un film de Resnais (Pas sur la bouche), même si j'aurais pu en choisir quatre. Je ne pouvais pas passer à côté de Des hommes et des dieux non plus. Pour les sept autres, j'ai choisi des films que j'aurais envie de revoir en compagnie d'amis. Il y a très longtemps que je n'ai pas revu La vouivre. Je garde un excellent souvenir de ce film réalisé par mon père.»

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Dans le cadre de Cinemania, la classe de maître de Lambert Wilson a lieu samedi, à 16 h 30, au Cinéma Impérial. Entrée libre.

En tournage au Québec

Depuis la mi-septembre, Lambert Wilson tourne dans la région montréalaise Les enragés, une coproduction entre la France et le Québec, réalisée par Éric Hannezo. Bien que le film soit entièrement tourné chez nous, l'intrigue se déroule dans un endroit non identifié.

Outre Lambert Wilson, Les enragés met en vedette Virginie Ledoyen, François Arnaud, Guillaume Gouix et Franck Gastambide. Aux côtés de François Arnaud, quelques acteurs québécois font aussi partie de la distribution, notamment Pierre Lebeau.

«Étant cinéphile, Éric Hannezo est tombé un jour sur Cani arrabbiati (Les chiens enragés), un thriller italien que Mario Bava avait réalisé dans les années 70, explique Lambert Wilson. Il a eu l'idée d'en faire une relecture moderne.

L'intrigue est concentrée autour d'une prise d'otages. C'est un film d'action. Nous avons passé un mois dans la région de Rawdon et d'Estérel, au beau milieu de la saison des couleurs. Nous n'en verrons malheureusement rien à l'écran, car toutes nos scènes ont été tournées de nuit!»