Vingt et un ans ont passé depuis la première explosion : celle d'une bande de junkies des bas-fonds d'Édimbourg, vedettes du film-culte Trainspotting. Franco (Robert Carlyle), le psychopathe de la bande, a heureusement passé les 20 dernières années en prison. Quant à Sick Boy Simon (Jonny Lee Miller), Renton (Ewan McGregor) et Spud (Ewen Bremner), ils sont allés de combines en coups foireux, et ont perdu, sinon leurs illusions, à tout le moins leur jeunesse.

Les revoilà donc 21 ans plus tard dans T2 Trainspotting, du même frénétique Danny Boyle qui est revenu vendredi à la Berlinale pour la première fois depuis 16 ans. Comme le temps file...

Si vous avez passé les deux dernières décennies à vous ennuyer de ces junkies cinglés en vous rappelant certaines scènes d'anthologie, comme celle du bébé qui marche au plafond ou de Renton qui se noie dans la toilette la plus dégueu de l'univers, vous allez être déçu par cette suite.

Mais si, comme moi, vous avez vu Trainspotting non pas en 1996, mais il y a trois semaines sur Netflix et qu'aucun mythe ou aura n'embue votre souvenir, vous allez vous amuser, rigoler par moments, bailler parfois, fermer les yeux quand la violence ou le vomi explosent à l'écran et vous régaler des classiques de Queen, d'Iggy Pop et du groupe écossais The Young Fathers. Et puis, vous allez sortir de la salle et passer à un autre appel, comme le veut l'époque.

Le personnage d'Ewan McGregor fait d'ailleurs référence à cette nouvelle époque, dans une charge à fond de train contre les ordis, les portables, les réseaux sociaux, les selfies et la superficialité généralisée du nouveau millénaire.

Mais n'ayez crainte, T2 Trainspotting ne donne pas dans la critique sociale. Le Brexit n'y est même pas évoqué. Alors quoi ? Serait-ce une banale plongée au pays de la nostalgie ? En conférence de presse, Danny Boyle a répondu que oui, la nostalgie était au rendez-vous, mais qu'elle était à la fois un ressort dramatique et un ennemi à combattre.

« D'ailleurs, quand Simon dit à Renton qu'il est le touriste de sa jeunesse, c'est un jugement de valeur sur la nostalgie et une accusation en bonne et due forme », dit-il.

L'idée de faire une suite trottait dans l'esprit du réalisateur depuis longtemps. Il y a eu une tentative avortée il y a 10 ans. « Mais le scénario à mon avis n'était pas assez fort. Je ne l'ai même pas envoyé aux acteurs. Je savais qu'ils n'auraient jamais accepté de revenir faire une suite pour faire une suite. Ce coup-ci, par contre, je sentais qu'on tenait vraiment quelque chose de fort », a raconté Boyle pendant que Jonny Lee Miller, ses cheveux platine remplacés par un crâne lisse et nu, et Ewen Bremner, beaucoup plus joli en personne qu'à l'écran, opinaient du bonnet. Idem pour la seule fille du lot, la jeune actrice Anjela Nedyalkova.

Les gars de la bande ont changé et vieilli, mais la palme du plus gros changement revient à la ville d'Édimbourg elle-même, glauque et grise, où seulement quelques scènes de rue ont été tournées en 1996, le gros du tournage ayant été concentré à Glasgow.

Or 20 ans plus tard, Édimbourg est devenu une capitale dynamique et vibrante et une destination cool prisée par la jeunesse internationale. Or selon certains, ce changement serait en partie dû... au succès de Trainspotting. Vingt et un ans plus tard, la boucle est bouclée.

UN DÎNER DÉVASTATEUR ET TRUMPIEN

Le New-Yorkais Oren Moverman n'est pas le plus grand cinéaste de la terre, mais c'est à coup sûr un excellent sociologue, voire un grand psychanalyste de l'âme américaine. La preuve, c'est The Dinner, présenté vendredi en compétition, avec Richard Gere et le Britannique Steve Coogan dans les rôles-titres. Au départ, c'est l'actrice Cate Blanchett qui voulait que The Dinner soit son premier long métrage à titre de réalisatrice. Moverman l'a d'ailleurs accompagnée dans le processus, mais lorsque l'actrice s'est désistée à cause d'un conflit d'horaire, Moverman a pris le relais.

Adapté du roman du même titre du Néerlandais Herman Koch et transposé à la réalité américaine, le film serait, selon son réalisateur, un film trumpien. Trumpien « indeed ». Rarement une radiographie de la société américaine aura-t-elle été aussi pertinente et en phase avec aujourd'hui.

L'histoire tient en quelques mots : deux frères, l'un prof d'histoire, l'autre sénateur, se retrouvent avec leurs conjointes dans un resto trois étoiles où il faut réserver des mois à l'avance. En apparence, il s'agit d'une soirée sans autre but que de flamber des centaines de dollars à table dans un dîner cinq services où défilent des plats, raffinés jusqu'à l'obscénité. En réalité, les deux frères doivent prendre une décision au sujet de leurs deux ados respectifs qui ont commis un crime odieux.

« La question que le film pose, c'est : jusqu'où iriez-vous pour protéger votre enfant qui a fait quelque chose de mal sans se faire prendre ? Quelles sont les implications si vous le dénoncez ou si, au contraire, vous le laissez poursuivre sa vie sans jamais être puni ? », confiait Moverman dans une entrevue au Hollywood Reporter.

En conférence de presse, il a ajouté que ce qui l'avait attiré à ce projet en particulier, c'était les questions sociales dérangeantes qu'il soulevait au sein d'une société privilégiée qui vit dans sa bulle et qui exclut tous ceux - les réfugiés, les immigrants, les sans-abri - qui n'en font pas partie. Même si The Dinner a été tourné il y a un an, bien avant le résultat des dernières élections, pas de doute possible : l'Amérique dont il parle, c'est l'Amérique de Donald Trump.

Photo Axel Schmidt, Reuters

Danny Boyle a affirmé que la nostalgie était bel et bien au rendez-vous dans T2 : Trainspotting, mais qu'elle était à la fois un ressort dramatique et un ennemi à combattre.

Photo fournie par IMDB

La bande de junkies des bas-fonds d'Édimbourg de Trainspotting se retrouvent 21 ans plus tard.