Le projet Éléphant de Quebecor, visant à rendre accessible à la télévision et, ensuite sur internet, l'ensemble des longs métrages québécois, pose d'importantes questions de droits d'auteur et de droits de suite sur des supports autres que les originaux.

Les responsables de cette initiative ont dû rassurer les réalisateurs et les scénaristes à ce sujet hier.

«Nous allons y être extrêmement attentifs», a indiqué le PDG de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, en réponse aux inquiétudes soulevées par quelques cinéastes.

La problématique reste complexe même si Quebecor s'engage à verser la «totalité des revenus provenant de la diffusion de ces films aux ayants droit». Ces organismes ou individus sont, généralement, désignés par contrat, des ententes ne favorisant guère les auteurs et réalisateurs. En outre, plusieurs films québécois produits dans les années 60 et 70 sont aujourd'hui orphelins.

Le réalisateur d'Au clair de la lune, Marc-André Forcier, a jeté un certain froid, pendant la conférence de presse, en questionnant la façon dont sera fait le versement des revenus par Quebecor aux ayants droit.

«Est-ce que les ayants droit ce sont les auteurs et réalisateurs ou ces gérants de fonds institutionnels que sont les producteurs et distributeurs?» a-t-il demandé avant d'avouer en entrevue qu'il s'agit, cependant, d'une «situation inextricable».

Le réalisateur de Matusalem, Roger Cantin, nuance les choses en expliquant qu'il est effectivement très difficile pour les créateurs de toucher aux droits de suite d'un film, mais qu'au bout du compte, peu de gens s'enrichissent véritablement dans le cinéma québécois.

«Si les producteurs gèrent bien leurs affaires et qu'il n'y a pas trop de dépassements de coûts, il leur en reste. Mais il n'y a guère plus d'argent dans la production qu'il y a 10 ans. Il se fait moins de films et les cachets des réalisateurs et des scénaristes n'ont guère augmenté», note-t-il.

Siégeant au comité responsable du projet Éléphant, Me Lucien Bouchard avoue, au sujet des droits : «On ne peut pas faire autrement que de s'y intéresser, au moins pour bien les connaître, pour voir comment la mécanique a été montée et pour voir dans quelle mesure on pourrait aider à redresser certaines injustices.»

Le producteur de C.R.A.Z.Y., Pierre Even, rappelle que cette question reste extrêmement complexe.

«Souvent, les distributeurs ont des droits pour un minimum de 25 ans. Mais ce projet-là a vraiment une valeur patrimoniale, il n'y a pas beaucoup de sous qui vont être faits avec ça», croit-il.

Le commissaire intérimaire de l'ONF, Claude Joli-Coeur, abonde dans son sens, expliquant que le projet de Quebecor est complémentaire à la numérisation que l'Office fait déjà en documentaire québécois.

«Même s'il y aura quelques problèmes juridiques à régler, l'important c'est de répondre à l'urgence de numériser des films québécois indépendants, dont certains sont en fort mauvais état. Il s'agit de sauver un patrimoine cinématographique avant tout», conclut-il.