Le roman de David Foenkinos a permis à Jean-Paul Rouve d'explorer un univers en tous points semblable au sien, en plus de lui donner l'occasion de se faire un ami véritable. Qui dit mieux?

Jean-Paul Rouve se plaît à raconter qu'il doit sa rencontre - marquante - avec l'auteur David Foenkinos à une amie commune. Il se trouve en effet qu'Emilie Simon a signé la trame musicale de Quand je serai petit, le deuxième film du cinéaste. L'année précédente, la musicienne avait composé la partition de La délicatesse, l'adaptation cinématographique du roman du même nom de David Foenkinos, dont l'auteur a cosigné la réalisation en compagnie de son frère Stéphane.

«David a vu mon film et il m'a téléphoné, relate Jean-Paul Rouve lors d'un entretien accordé à La Presse. J'avais lu quelques-uns de ses romans, bien sûr, mais pas Les souvenirs. Il m'a suggéré de le lire, car à la lumière de ce qu'il avait vu dans mon film, il avait l'impression qu'on pourrait bien s'entendre. Il a eu raison. Nous partageons beaucoup de points communs, ne serait-ce que dans la façon dont nous voyons et abordons la vie.»

À l'époque, les deux hommes ne se connaissaient pas encore, mais ils ont décidé de travailler ensemble à l'écriture d'une adaptation.

«Je ne vous cacherai pas qu'au tout début, j'avais l'impression de marcher sur des oeufs, explique le réalisateur. Puisque David est lui-même l'auteur du roman d'origine, il peut alors être plus délicat de suggérer de gros changements. Mais au bout d'à peine trois jours, je n'avais même plus l'impression que j'étais en train de travailler avec l'écrivain. David n'a aucun orgueil envers son travail. Au point où je trouvais qu'il y allait un peu fort. Parfois, j'ai même dû lui dire d'en couper moins!»

Une oeuvre de nature différente

À cet égard, l'auteur a bien compris que son bouquin était plutôt le matériau brut qui allait servir de base pour une oeuvre de nature différente, dont la forme allait aussi amener un changement de tonalité. Au cinéma, Les souvenirs emprunte véritablement les allures d'une comédie dramatique.

«Avec David, on pouvait tout se dire, indique Jean-Paul Rouve. Je souhaitais dès le départ accentuer les éléments de comédie afin que le récit se maintienne constamment entre le rire et le drame. Un film, c'est autre chose qu'un livre. Il faut savoir trahir le roman qu'on adapte et ne pas en être intimidé. David était bien d'accord.»

Rouve, que nous connaissons surtout ici en tant qu'acteur (Podium, Un long dimanche de fiançailles, La vie en rose) propose ainsi un troisième long métrage à titre de réalisateur. Misant sur des éléments destinés à plaire, il plonge avec tendresse dans une histoire intergénérationnelle, au coeur de laquelle figure une relation privilégiée entre un jeune homme de 23 ans (Mathieu Spinosi) et sa grand-mère (Annie Cordy), âgée de 85 ans.

Cette dernière, placée dans une maison de retraite après la mort de son mari, décide plutôt de s'enfuir pour partir à la trace de ses plus beaux souvenirs, laissés dans la Normandie de son enfance.

Au même moment, son fils (Michel Blanc), nouvellement retraité, vit une crise existentielle qui risque aussi de se transformer en crise sentimentale. Son épouse (Chantal Lauby) brandit même la menace d'une demande de divorce.

«Les relations intergénérationnelles sont toujours très riches et très inspirantes, observe Jean-Paul Rouve. J'aime parler de gens qui ne sont pas à leur place. Ça me fascine. Il y en a d'ailleurs beaucoup plus qu'on ne le croit. Cela ne les empêche pas d'être heureux, remarquez, mais combien de personnes n'ont pas pu concrétiser la vision qu'elles avaient d'elles-mêmes à l'adolescence? Pourquoi? Qu'est-ce qui a fait qu'elles ont été menées ailleurs que là où elles souhaitaient aller? Ça crée de la fragilité, de l'humanité. J'aime bien les regarder, sans juger.»

Une distribution de haute tenue

S'il se refuse à imaginer des acteurs au moment de l'écriture, l'ancien membre du groupe humoristique Les Robins des Bois a néanmoins su réunir une distribution de très haute tenue. De laquelle fait notamment partie Michel Blanc.

«J'étais d'autant plus heureux que Michel accepte la proposition qu'il se fait de plus en plus rare en tant qu'acteur, fait remarquer le cinéaste. En plus, j'admire autant le scénariste et le cinéaste qu'il est. Quand il m'a rappelé à peine deux jours après avoir reçu le scénario, j'avoue en avoir été fier de contentement!»

Parmi les têtes d'affiche du film, une actrice dont le nom évoquera sans doute des souvenirs aux plus mûrs d'entre nous: Annie Cordy. Vedette de music-hall en France, contemporaine de Line Renaud, la dame est surtout reconnue comme fantaisiste. Or, Annie Cordy est l'une des rares actrices à qui Jean-Paul Rouve a pensé dès l'étape de l'écriture.

«C'est la seule exception, dit-il. Et je suis incapable d'expliquer pourquoi. Il se trouve qu'environ un mois après avoir commencé l'écriture, Annie m'est apparue à l'esprit et ne m'a plus lâché par la suite. David trouvait l'idée un peu surprenante au départ, mais nous savions qu'elle était une grande actrice, qu'elle pourrait offrir au personnage toute sa densité dramatique.»

La collaboration avec David Foenkinos fut par ailleurs si stimulante que les deux hommes comptent déjà remettre le couvert. «Nous sommes devenus des amis, souligne Jean-Paul Rouve. Nous avons beaucoup ri ensemble. L'humour est un lien d'amitié très fort. D'amour aussi. Nous allons nous remettre à écrire ensemble, mais cette fois il s'agira d'un sujet original.»

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Les souvenirs est présentement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.