Dans la foulée de la sortie du long métrage La maison du pêcheur, deux autres cinéastes québécois ont décidé d'explorer l'histoire du FLQ survenue avant les événements d'octobre 1970. Or, dans les deux cas, ils s'attardent au même sujet: l'histoire de Jean Corbo, un militant de 16 ans mort à la suite de l'explosion d'une bombe posée à la Dominion Textile en 1966.

Corbo: un film sur l'engagement

Les jeunes comédiens Anthony Therrien, Antoine L'Écuyer et Karelle Tremblay partageront la vedette du long métrage Corbo du réalisateur Mathieu Denis dont le tournage s'est amorcé le 3 septembre, a appris La Presse.

Cette nouvelle production de Max Films porte sur l'histoire de Jean Corbo, un militant proche du FLQ mort le 14 juillet 1966 alors qu'il allait déposer une bombe dans une usine de la Dominion Textile à Saint-Henri.

La distribution comprendra aussi Tony Nardi, Dino Tavarone, Marie Brassard, Francis Ducharme, Jean-François Poulin et plusieurs autres.

Corbo sera le second long métrage de Mathieu Denis qui, auparavant, avait coréalisé le film Laurentie avec Simon Lavoie. «Alors que Laurentie portait sur le désengagement, Corbo portera sur l'engagement, indique la productrice Félize Frappier. On va à la rencontre d'un jeune homme porté par une quête identitaire. Il cherche sa place au coeur des années 60 qui, au Québec, étaient marquées par une grande mouvance.»

En entrevue, Mme Frappier insiste sur le fait que le film est centré sur la quête de Jean Corbo. «La violence demeure toujours impardonnable et nous ne cherchons pas à faire l'apologie des felquistes, dit-elle. À travers le film, nous essayons de comprendre quelles sont les motivations qui peuvent avoir poussé un jeune de 16 ans à agir de la sorte. Nous étions alors dans une autre époque.»

De nos jours, l'engagement existe toujours, souligne Mme Frappier en donnant exemple des événements du printemps érable. «Mais je ne pense pas que des jeunes poseraient aujourd'hui les mêmes gestes qu'on a vus dans les années 60», dit-elle.

Le tournage du film survient tout de suite après la sortie du long métrage La maison du pêcheur d'Alain Chartrand. Présentée au FFM, l'oeuvre de M. Chartrand relate les événements de l'été 1969 à Percé qui ont mené à la naissance de la cellule Chénier du FLQ. De plus, un court métrage sur l'histoire de Jean Corbo a été tourné l'année dernière (voir autre texte).

Qu'est-ce qui incite donc des cinéastes à s'attarder aux événements du FLQ quelques décennies plus tard? «Je pense que cela montre que les gens ont ce désir de revisiter notre histoire, dit Mme Frappier. Vous savez, à l'époque, l'explosion de la Dominion Textile avait fait la une de tous les journaux.»

Né d'une mère québécoise et d'un père italien, Jean Corbo s'intéresse aux actions du FLQ à partir du printemps 1966. Il se lie alors d'amitié avec Julie et François, deux militants radicaux. Ce rapprochement avec le Front de libération du Québec le conduira à vouloir poser une bombe dans les locaux de la Dominion Textile, industrie associée au patronat anglophone et dont les 5000 travailleurs affiliés à la CSN étaient en grève depuis cinq mois.

Jean Corbo était le frère de Claude Corbo, qui fut recteur de l'UQAM de 1986 à 1996 puis de 2008 à 2013. Son second rectorat avait pour objet la relance l'institution après le scandale de l'îlot Voyageur. Aujourd'hui, M. Corbo travaille pour le réseau de l'Université du Québec.

À ce sujet, Félize Frappier est catégorique: le film est centré sur l'histoire de Jean Corbo. «Ce n'est pas celle de son frère ni celle de sa famille», dit le productrice. D'ailleurs, le scénario dont elle nous a parlé n'évoque pas le nom de Claude Corbo.

Interprète de Jean Corbo dans le film, Anthony Therrien incarnait le jeune François dans le film Le torrent de Simon Lavoie. Antoine L'Écuyer a quant à lui été entre autres vu dans C'est pas moi, je le jure de Philippe Falardeau et Quatre soldats de Robert Morin. Karelle Tremblay a joué dans la télésérie Le club des doigts croisés.

Le camarade: le FLQ en court

Alors que Max Films amorce le tournage de son long métrage sur Jean Corbo, un court métrage de 15 minutes sur le même personnage sera présenté le 21 septembre au Festival de cinéma de la Ville de Québec (FCVQ).

Intitulé Le camarade, ce film de Benjamin Tessier est le premier d'une trilogie consacrée au Front de libération du Québec. Le second opus sera en tournage à l'automne. Le titre fait référence à un poème que Gaston Miron avait écrit à la suite de la mort de Jean Corbo et que l'on retrouve dans le recueil L'homme rapaillé.

Le camarade met en vedette Brian Piton, étudiant en théâtre, dans le rôle de Jean, Geneviève Rioux dans celui de sa mère et Maude Boutin St-Pierre (30 vies) dans celui de Julie. L'oeuvre a été présentée pour la première fois cet été dans le cadre des projections de Prends ça court! et a été soumise dans plusieurs festivals dans le monde.

Comme dans le cas du film de Mathieu Denis, les responsables de ce court métrage abordent le sujet dans le même angle, presque avec les mêmes mots. «Ce n'est pas un film historique, nous dit Larry Rochefort, coproducteur et directeur de la photographie. Tout est axé autour du personnage de Jean Corbo, de sa quête d'identité à travers l'intensité des événements de l'époque. Nous ne sommes pas là pour faire l'apologie du FLQ ou de la violence.»

Selon M. Rochefort, les deux boîtes de production du film, Octo et Farest, sont toutefois nourries par une volonté de vouloir parler de l'histoire du Québec. «L'histoire étant cyclique, nous croyons important de revisiter notre passé. », dit-il. Ce dernier a également un projet de long métrage sur le Régiment de la Chaudière dans ses cartons.

Les producteurs et le réalisateur insistent sur le fait que le film est «librement inspiré» de l'histoire de Jean Corbo. Dans un texte de présentation, Benjamin Tessier va même plus loin et déclare: «Je n'ai pas la prétention de savoir exactement à quoi la dernière journée de ce jeune homme a pu ressembler, les livres d'histoire ne nous livrent que très peu de renseignements sur lui. Je ne tente pas de faire un documentaire conforme à la réalité, mais plutôt de livrer une version humaniste de l'histoire. Ce qui importe à mes yeux, c'est de demeurer fidèle à l'homme en devenir qu'il était et à ses idéaux. Pour moi, cette tragédie est avant tout humaine et c'est exactement ce que je veux transmettre aux spectateurs.»

Malgré cette mise en garde, on remarque qu'un des personnages du film est Claude Corbo et est visiblement proche de militants felquistes.

M. Corbo s'est refusé à tout commentaire.