(Paris) « On est dans la merde, mais on est le cinéma […] on est le meilleur cinéma d’Europe ! », a lancé l’acteur et humoriste Jamel Debbouze en ouvrant dans un sketch la 48e cérémonie des César vendredi.

Ironisant sur l’essor des plateformes et le prix des places, l’acteur a ouvert sous les rires, notamment ceux de la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, assise au milieu de la salle de l’Olympia, la cérémonie la plus prestigieuse du cinéma français, qui cherche à regagner son lustre.

Qui succédera à Illusions perdues, vainqueur l’an dernier avec sept statuettes, dont celle du meilleur film ? « L’Innocent », comédie policière réjouissante signée Louis Garrel, fait la course en tête avec 11 nominations.  

Juste derrière : La Nuit du 12, un polar de Dominik Moll qui raconte l’enquête impossible sur un féminicide (10 nominations), et En corps, le dernier Cédric Klapisch, sur la reconstruction d’une danseuse de l’Opéra de Paris, qui lui aussi a su trouver son public en salles au terme d’une nouvelle année délicate pour le cinéma français.

Côté meilleures actrices, Virginie Efira, nommée pour Revoir Paris en témoin d’un attentat dans une brasserie parisienne, a toutes ses chances, face notamment à Adèle Exarchopoulos (Rien à foutre) ou Laure Calamy (À plein temps).

Chez les interprètes masculins, Louis Garrel et Benoît Magimel sont sur les rangs, le dernier pouvant réaliser un doublé consécutif jamais vu, après avoir déjà remporté l’an dernier la statuette du meilleur acteur pour De son vivant, avec Catherine Deneuve.

Dans la catégorie des meilleurs réalisateurs, Louis Garrel, Cédric Klapisch et Dominik Moll, déjà césarisé il y a 22 ans pour Harry un ami qui vous veut du bien, Cédric Jimenez (Novembre) et Albert Serra (Pacifiction-Tourment sur les îles) sont en lice.

Une fois de plus, le César de la meilleure réalisation ira donc à un réalisateur, aucune femme cinéaste n’ayant été nommée cette année. Et Tonie Marshall restera la seule réalisatrice de l’histoire du 7e art français à avoir été sacrée pour Venus Beauté institut… en 2000.

Prix Alice Guy et Cléopâtre

Une situation d’autant plus délicate pour l’Académie que, dans la catégorie « meilleur film », une seule réalisatrice a vu son œuvre nommée, Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, et que la diversité est quasi absente des nominations.

Face à ce déséquilibre encore plus marqué cette année, quelques prix alternatifs décernés ces derniers jours tentent de se faire connaître.

Le 6e prix Alice Guy (du nom de la première cinéaste de l’histoire), décerné à la meilleure réalisatrice, a choisi d’honorer Alice Winocour pour Revoir Paris et son concurrent, le prix Cléopâtre, lancé cette année par le magazine français Causette, a été décerné à Alice Diop (Saint Omer, récompensé à la Mostra de Venise) et Rebecca Zlotowski (Les enfants des autres).

Au-delà des prix, la cérémonie des César, retransmise sur Canal+, une chaîne qui vient de réaffirmer qu’elle entendait garder sa place de financier majeur du cinéma français, doit une nouvelle fois faire la preuve de sa pertinence.

En plein mouvement social, la soirée sera probablement l’occasion d’une prise de parole sur la réforme des retraites. Mais la cérémonie 2021, où humour déplacé, entre-soi et récriminations des artistes ont créé le malaise, fait encore figure d’épouvantail.

Quant à l’audience, après avoir touché le fond l’an dernier avec 1,3 million de téléspectateurs, peut-elle creuser plus profond ?

Pour tenter de remonter la pente, la présidence de la soirée à l’Olympia a été confiée à Tahar Rahim et la présentation à une équipe collégiale de maîtres et maîtresses de cérémonie, d’Emmanuelle Devos à Eye Haïdara, en passant par Alex Lutz et Ahmed Sylla.

Un César d’honneur sera remis au réalisateur américain David Fincher pour l’ensemble de sa carrière.