(Paris) La Nuit du 12, qui raconte l’enquête impossible sur un féminicide en France, a triomphé aux 48e César à Paris, lors d’une cérémonie où plusieurs voix ont déploré l’absence de femmes parmi les nommés pour la meilleure réalisation.

Le long métrage a remporté six prix, dont un rare doublé, à cette cérémonie phare du cinéma français : César du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Dominik Moll.

Les acteurs Bastien Bouillon et Bouli Lanners ont reçu le prix du meilleur espoir masculin et du meilleur acteur dans un second rôle, pour leur interprétation d’un duo d’enquêteurs de la PJ qui tentent d’élucider l’assassinat d’une jeune fille, sans témoins.  

Inspiré d’un fait divers survenu à Saint-Jean-de-Maurienne dans le département de la Savoie en France, La Nuit du 12 livre une galerie de suspects qui ne se rendent même pas compte de la misogynie de leurs propos, et s’attaque aussi au machisme dans la police.

Côté interprète masculin, Benoît Magimel a remporté pour la deuxième année d’affilée le César du meilleur acteur, avec Pacifiction-Tourment sur les îles. Du jamais vu.

L’actrice franco-belge Virginie Efira a elle été sacrée du César de la meilleure actrice pour Revoir Paris, d’Alice Winocour.

L’Innocent, de Louis Garrel, qui était favori avec 11 nominations, est le grand perdant de la soirée, avec un seul autre trophée, pour son scénario.

Par ailleurs, le film À plein temps, écrit et réalisé par Éric Gravel, un cinéaste québécois installé en France depuis plusieurs années, s’est distingué dans les catégories meilleur montage (Mathilde van der Moortel) et meilleure musique (Irène Drésel). Il était en lice dans les catégories du meilleur scénario original et Laure Calamy, sa tête d’affiche, dans la catégorie de la meilleure actrice. Quant au César du meilleur premier film, pour lequel la Québécoise Charlotte Le Bon a été citée grâce à Falcon Lake, il est allé au grand favori Saint-Omer, d’Alice Diop.

Dominik Moll, en remportant sa deuxième statuette de réalisateur, 22 ans après Harry un ami qui vous veut du bien, a eu « une pensée pour la vraie Clara, la vraie victime de l’affaire qui a donné lieu au film. Elle s’appelait Maud ».

Il a rendu hommage au public français « qui a une appétence pour les films qui sortent des sentiers battus » : son thriller franco-belge a bénéficié d’un solide bouche-à-oreille et rassemblé 509 000 spectateurs.

Le couronnement de La nuit du 12 et son message féministe n’a toutefois pas masqué l’absence de réalisatrices parmi les nommés pour le trophée de la meilleure réalisation.  

« Elles me manquent »

« Les cinéastes devaient s’emparer du récit » sur les violences faites aux femmes, a lancé l’une des productrices du film, Caroline Benjo. « Vive les femmes et vive les hommes qui rejoignent leur combat », a-t-elle ajouté dans un discours fort, écouté larmes aux yeux par l’actrice Judith Chemla, qui a dénoncé publiquement les violences domestiques qu’elle a subies.

Ce signal était d’autant plus attendu que les nominations avaient encore plus que les années précédentes laissé les réalisatrices de côté : aucune nommée pour la meilleure réalisation, une seule pour le meilleur film (Valéria Bruni Tedeschi).

Plusieurs lauréates ont profité de leurs remerciements pour les sortir de l’oubli.  

Virginie Efira a ainsi dédié son César à sa réalisatrice Alice Winocour, et « l’étendre » à d’autres, dont Rebecca Zlotowski (Les enfants des autres, également absente des nominations).

« On ne sera ni de passage, ni un effet de mode ! », a promis la cinéaste Alice Diop, César du meilleur premier film pour Saint Omer.

Tonie Marshall reste à ce jour la seule femme à avoir reçu un César du meilleur réalisateur avec Venus Beauté (institut) (2000).

Noémie Merlant a eu une pensée pour toutes celles « qui aurait dû être célébrées ». « Elles me manquent », a déclaré l’actrice, César du meilleur second rôle féminin pour L’Innocent.

Dans une tout autre catégorie, Brad Pitt a fait une apparition surprise pour remettre un César d’honneur à l’un des cinéastes qui a forgé son jeu, David Fincher (Seven, Fight Club).

« Je salue la culture du cinéma français, votre engagement pour un cinéma qui reflète ce que nous sommes de plus petit et de plus simple, et pas seulement nos aspirations héroïques quand on a enfilé des collants », a lâché Fincher.

Les César n’ont pas oublié l’Ukraine, évoquée par Louis Garrel (ce pays « vit une tragédie depuis un an maintenant à cause de cette guerre folle et criminelle »), ni l’Iran, par Golshifteh Farahani (« Choisissez ce régime ou nous, le peuple iranien »).

Une activiste pour le climat, soutenant le collectif Dernière rénovation et arborant un T-shirt « We have 761 days left » (il nous reste 761 jours) a brièvement interrompu le début de la cérémonie, avant d’être sortie. Cette séquence n’a pas été diffusée sur Canal+, diffuseur des César.

Une version antérieure de ce texte indiquait que Charlotte Le Bon était la seule Québécoise en lice pour un César. Or, Éric Gravel, un cinéaste québécois installé en France depuis plusieurs années, était finaliste à titre personnel pour le scénario du film À plein temps, nommé dans trois autres catégories.