Avec les nouvelles plateformes de distribution comme Netflix, les ciné-clubs ont-ils encore leur raison d'être? Le concept même de ciné-club a quelque peu évolué, mais le besoin de se réunir pour regarder un bon film, et d'en discuter ensuite, est toujours bien vivant. Trois exemples probants.

Le classique

Dimanche soir. Une centaine de personnes se rassemblent dans une salle de l'Université Concordia pour visionner un classique du cinéma.

En fait, c'est l'ensemble de l'expérience de la Cinéclub Film Society qui est classique : un conférencier (un cinéaste ou un spécialiste) présente le film. Les cinéphiles amorcent une discussion à l'entracte en mangeant des desserts préparés par le président et directeur du ciné-club, Philippe Spurrell. Plusieurs poursuivent la conversation dans un pub du coin après la représentation.

«C'est quelque chose que nous avons commencé en 1992, indique M. Spurrell. Nous avons toujours gardé la même formule.»

Il affirme que de nos jours, le cinéma est une expérience de plus en plus solitaire. La Cinéclub Film Society veut offrir autre chose, soit une expérience de groupe et une expérience authentique.

«Nous vivons dans un monde trop solitaire, virtuel. Mais nous avons toujours le besoin de contacts humains, le besoin de se rassembler.»

L'authenticité est aussi importante à ses yeux: le ciné-club se fait un point d'honneur de présenter des films en 16 ou 35 millimètres. Des musiciens accompagnent les films muets.

Grand collectionneur, Philippe Spurrell a accumulé au cours des ans un nombre impressionnant de films, soit 500 longs métrages et 1000 courts métrages.

«On en a assez pour programmer les 10 prochaines années», s'exclame-t-il.

M. Spurrell estime que la Cinéclub Film Society constitue une bonne option de rechange aux algorithmes de Netflix et compagnie.

«Dans un monde où l'on a trop de choix, c'est intéressant de laisser quelqu'un d'autre choisir pour soi, des programmateurs qui t'offrent des choses que tu ne peux pas voir ailleurs.»

Le doyen

Le Ciné-club d'Ottawa est né en 1935, l'année où Mutiny on the Bounty, avec Clark Gable, a gagné l'Oscar du meilleur film.

Alors que de nombreux ciné-clubs ont disparu au cours des années, le Ciné-club d'Ottawa est toujours bien vivant. Plus de 1300 cinéphiles sont abonnés à l'une ou l'autre de ses séries (ou aux deux): une série de films internationaux et une série de films en français. Chaque série comprend neuf programmes doubles.

«C'est une formule qui marche pour Ottawa, explique la vice-présidente du club, Giselle Nantais. Ce n'est pas une grande ville comme Montréal ou Toronto, où l'on a accès à tout. Mais il y a quand même une population assez importante pour justifier notre programmation.»

Les membres du comité de programmation vont dans les festivals de cinéma à la recherche des meilleurs films possible.

«On s'assure que tous les films soient visionnés par deux ou trois personnes pour avoir différents sons de cloche, indique Mme Nantais. Les membres se fient à nous. Ils peuvent voter sur les films à chaque représentation, ce qui nous donne une indication s'ils aiment cela ou pas.»

L'aspect social est important.

«Les gens se connaissent, ils aiment se retrouver, ils vont souvent s'asseoir à la même place.»

Le bilinguisme étant encouragé à Ottawa, des anglophones qui suivent des cours de français s'abonnent à la série française pour tester leurs nouvelles connaissances.

Le ciné-club loue des salles de cinéma commerciales afin d'assurer la meilleure qualité de projection possible.

Il y a quand même des défis, comme le vieillissement des membres et du conseil d'administration.

«Nous avons besoin de sang neuf pour prendre la relève», souligne Mme Nantais.

Le réseau

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Call Me By Your Name, de Luca Guadagnino. fait partie des films qui ont été présentés cet hiver au Ciné-club d'Ottawa.

Le Ciné-Outremont, le Cinémaboule de Saint-André-Avellin et le Cinémalice de Matane ont un point commun. Tous font partie du Réseau Plus, regroupement d'une cinquantaine de cinémas et ciné-clubs mis en place par l'Association des cinémas parallèles du Québec.

«Ce sont des groupes de citoyens ou des diffuseurs locaux qui se disent que dans leur coin, il y a une demande pour plus de cinéma d'auteur et qui décident de mettre quelque chose sur pied», raconte Éric Perron, coordonnateur du Réseau Plus.

L'Association des cinémas parallèles est née en 1979. Pendant longtemps, les membres ont préparé leur programmation chacun de leur côté, de façon autonome. L'association a mis en place le Réseau Plus en 1992 pour leur faciliter les choses. Les responsables du réseau leur font des suggestions et leur fournissent des liens de visionnement pour qu'ils se fassent une idée et établissent leur programmation.

Environ 40 % des films présentés sont québécois ou canadiens.

«Nous faisons les réservations auprès des distributeurs, poursuit M. Perron. Nous faisons un suivi des copies, nous fournissons une série d'outils pour faire la promotion des films.»

Éric Perron reconnaît que Netflix a changé la donne, avec un prix fixe et le fait qu'il ne soit plus nécessaire de sortir pour aller chercher un film et le rapporter.

«Ça reste une expérience à la maison, rappelle-t-il. Nous, nous avons quelque chose à proposer sur grand écran. Les gens sortent de chez eux, ils peuvent discuter. Nous pensons que c'est la meilleure façon d'apprécier un film.»

Les cinéphiles semblent apprécier: chaque année, environ 100 000 spectateurs assistent à un millier de représentations organisées par les membres de Réseau Plus.

PHOTO DANNY G. TAILLON, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Une colonie, de Geneviève Dulude-De Celles, est l'un des films québécois qui ont été diffusés par les cinémas membres de Réseau Plus.