« Adam McKay est la véritable star de ce film », a affirmé Christian Bale dans l'entrevue qu'il a accordée à La Presse avant la sortie de The Big Short.

Il a raison : au-delà du travail exceptionnel de la distribution (de prestige) de cette comédie grinçante qui pénètre dans les coulisses de la crise économique ayant frappé les États-Unis au milieu des années 2000, c'est la signature (d)éton(n)ante du réalisateur et coscénariste de l'oeuvre qui marquera les esprits.

Adam McKay sort en effet ici de sa zone de confort (comprendre : les Talladega Nights, Anchorman et autres comédies mettant Will Ferrell en vedette) et accouche d'un film audacieux, original et (im)pertinent. Qui plus est, sur un sujet assez complexe pour faire fuir le commun des mortels. Basé sur le livre de Michael Lewis, The Big Short suit quatre financiers qui ont prédit l'éclatement de la bulle immobilière. Et en ont profité.

Il est question de titres adossés à des créances hypothécaires, d'actifs financiers toxiques, d'obligations adossées à des actifs. Du chinois ? Peu importe. Vraiment. Le miracle de The Big Short est de parvenir à intéresser même le plus béotien des spectateurs. Mieux : à le divertir... tout en le faisant grincer des dents.

Pour rendre cinématographique la débâcle financière, Adam McKay a misé sur une distribution quatre étoiles au sommet de son art. 

Steve Carell, Christian Bale, Ryan Gosling et Brad Pitt exécutent quelques pièces d'anthologie, entre autres en mitraillant le public de formules et concepts économiques hermétiques qu'ils livrent avec efficacité et naturel, par l'intermédiaire de répliques superbement écrites.

Steve Carell, en étant le plus « humain » de ces monstres - ou héros -, déchiré entre son passé et le présent. Christian Bale, qui campe Michael Burry - neurologue, génie de la finance, asocial, atteint du syndrome d'Asperger -, est incroyable dans des scènes où il est presque toujours seul. Brad Pitt est plus baba cool que jamais. Et Ryan Gosling est aussi hilarant qu'inquiétant dans son rôle de narrateur, brisant le quatrième mur pour s'adresser directement au spectateur.

À tout ceci, Adam McKay a ajouté un artifice brillant : le ton quasi documentaire de l'ensemble est parfois rompu par l'apparition de personnalités qui n'ont rien, mais absolument rien à voir avec l'économie, plantées dans le récit pour « expliquer » certains des concepts abscons aux yeux du non-initié. L'actrice Margot Robbie dans son bain, le chef Anthony Jourdain dans sa cuisine, la chanteuse pop et comédienne Selena Gomez à une table de black jack.

Ce qu'il faut retenir de The Big Short, c'est qu'il n'est pas nécessaire de s'accrocher au moindre mot. Il faut s'imprégner de l'ensemble, faire confiance au film, se laisser prendre par la main. À la clé, une compréhension de ce que l'on a à comprendre. Et une expérience cinématographique formidable. Un de ces films dont on sort diverti, mais, en même temps, avec l'impression d'être plus intelligent. Une compréhension d'ensemble qui s'accompagne de colère. Et d'inquiétude.

Sombre, cathartique et, en même temps, divertissant, The Big Short est l'un des meilleurs films de l'année.

Comédie dramatique

THE BIG SHORT (V.F. : LE CASSE DU SIÈCLE)

D'Adam McKay

Avec Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling, Brad Pitt

2 h 10

4 étoiles