L'Agence de l'efficacité énergétique du Québec veut instaurer un programme obligatoire d'inspection des véhicules afin de diminuer la pollution et la consommation d'essence.

L'idée d'inspecter les véhicules chaque année n'est pas nouvelle. Presque toutes les provinces et tous les États américains le font. Une voiture en bon état consomme moins d'essence et pollue moins. La technologie est simple: une sonde capte les gaz d'échappement et les analyse.

Au Québec, les groupes écologistes réclament cette mesure depuis au moins une dizaine d'années, mais elle a toujours été bloquée au niveau politique.

La proposition, contenue dans le premier Plan d'ensemble en efficacité énergétique et nouvelles technologies, rendu public vendredi par l'Agence de l'efficacité énergétique, sera étudiée devant la Régie de l'énergie. Elle marque la première incursion de l'Agence dans le domaine des transports.

Tant sous André Boisclair, du Parti québécois, que sous Thomas Mulcair, du Parti libéral, le ministère de l'Environnement avait dû renoncer à instaurer cette mesure, qui aurait frappé plus lourdement les habitants des régions et les personnes défavorisées en les obligeant à faire de coûteuses réparations ou à carrément renoncer à leur véhicule.

Mais le temps est peut-être venu pour que cette mesure, presque universelle en Amérique du Nord, soit instaurée aussi au Québec.

«Les astres sont bien alignés, dit Luce Asselin, présidente-directrice générale de l'Agence. C'est dans les priorités pour les années 2010 à 2012. Et le consommateur sera gagnant s'il réalise qu'il y a une économie potentielle pour lui.»

«C'est quelque chose qu'on va mettre en place à condition de pouvoir collaborer avec la SAAQ, précise Mme Asselin. Il y aussi un partenariat à faire avec le MDDEP (ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs).»

«La ministre Line Beauchamp s'est déclarée en faveur» de cette mesure, précise Mme Asselin.

La décision a perdu une partie de sa saveur politique avec l'élargissement du mandat de l'Agence de l'efficacité énergétique. Cette dernière peut en effet obtenir directement des budgets pour mettre en place de nouveaux programmes, après décision de la Régie de l'énergie. Les fonds proviendront du Fonds vert, auquel contribuent les compagnies pétrolières.

La nouvelle a réjouit le Dr Pierre Gosselin, de l'Institut national de santé publique du Québec. «Il était temps, a-t-il dit. On va être un des derniers États à le faire. Nous, c'est dans nos priorités.»

Le Dr Gosselin a récemment publié une étude qui montre que l'inspection des véhicules est l'une des mesures environnementales qui reçoivent le plus d'approbation du public, avec plus de 80% d'appui.

Bien expliquer

«C'est juste une question de bien expliquer la mesure, dit-il. Il faut que les gens comprennent qu'ils vont économiser sur leur facture d'essence. C'est typique des mesures environnementales: les coûts sont toujours surestimés et les bénéfices sont sous-estimés. Et tout le monde finit par en bénéficier, même ceux qui étaient contre au départ.»

Les voitures en mauvais état produisent beaucoup de gaz qui causent le smog, comme les oxydes d'azote. À Montréal, le smog tue 1500 personnes par année, selon la direction de la santé publique.

L'implantation d'un programme d'inspection des véhicules est un cheval de bataille de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et de son président, André Bélisle. «On peut espérer des économies d'essence de l'ordre de 5% à 8% pour l'ensemble des automobiles, dit-il. Ça se traduit évidemment par une réduction équivalente des gaz à effet de serre.»

«Au Québec, le parc automobile est en mauvais état, dit M. Bélisle. Les premières années, il y aurait beaucoup de véhicules qui ne passeraient pas le test. On pense que c'est autour de 20%. Mais ça veut dire qu'on ferait des gains encore plus grands.»

1000$ pour trois litres



L'Agence d'efficacité énergétique veut aussi créer un programme incitant à l'achat de véhicules moins gourmands. Il pourrait prendre la relève du programme fédéral ÉcoAuto, qui prend fin cette année. Mais il s'appliquerait différemment. «On l'appelle le programme Trois Litres, dit Luce Asselin, présidente-directrice générale de l'Agence. Tout consommateur qui fournit la preuve qu'il fait l'achat d'un véhicule qui consomme 3 litres de moins aux 100 km que le précédent pourrait recevoir 1000$.» Ce programme éventuel devra être approuvé par la Régie de l'énergie. Il pourrait être financé par le Fonds vert, auquel contribuent les compagnies pétrolières. Le programme coûterait 44 millions en 2010 et permettrait de réduire la consommation d'essence du Québec de 2,7 millions de litres dès la première année.