Elle, c'est une Mercedes-Benz 2 801 973, le modèle W114, la "première Mercedes de l'ère moderne", celle qui inaugure une longue série de solutions techniques qui feront date dans l'histoire de la marque allemande.

Elle, c'est une Mercedes-Benz 2 801 973, le modèle W114, la "première Mercedes de l'ère moderne", celle qui inaugure une longue série de solutions techniques qui feront date dans l'histoire de la marque allemande.

Du militaire à l'horloger

«La voiture a appartenu en premier à un officier américain en poste à Berlin qui en a pris possession à l'usine d'Unterturkheim», raconte Paul Guérin, anthropologue de profession.

«Lors du retour au pays, la voiture étant conforme aux normes américaines, l'officier a décidé de la ramener avec lui et il l'a utilisée pendant une quinzaine d'années en Virginie, accumulant près d'un demi-million de kilomètres. La voiture a ensuite été vendue à un horloger près de Syracuse, dans l'État de New York, un homme d'origine allemande que l'on dit particulièrement minutieux et qui ne semblait pas se soucier outre mesure du kilométrage plus que respectable de la Mercedes.»

Après 12 ans de bons et loyaux services, soutenus par un entretien digne d'un... horloger, la Mercedes a été vendue à un courtier torontois, l'horloger souhaitant se procurer une Mercedes plus récente. C'est ainsi que la voiture est devenue canadienne après avoir été allemande et américaine.

«Le courtier cherchait un acheteur mais éprouvait de la difficulté, étant donné que la Mercedes comptait déjà 27 ans d'existence», poursuit Paul Guérin. «Elle n'avait pas valeur de pièce de collection et ce n'était donc qu'une «vieille voiture». De peine et de misère, le Torontois a fini par s'en débarrasser auprès d'un résidant de la Montérégie, qui se promettait de la restaurer. Mais les cicatrices et les faiblesses qui se cachaient sous la carrosserie ont fini par décourager notre homme qui, à son tour, a cherché un acheteur, à défaut de quoi il songeait à démonter la voiture et la vendre pièce par pièce, un processus assez long mais souvent lucratif qui peut rapporter jusqu'à quatre fois la valeur marchande de la voiture.

«C'est là que j'entre en jeu», explique M. Guérin qui finit, après de longues négociations, par acheter la voiture pour "une certaine somme et ma Mercedes série 300... Ainsi, il me vendait sa vieille Benz, touchait sa prime, et demeurait propriétaire d'une Mercedes...»

Quand on aime, on ne compte pas, dit le poète.

Authentique

C'est là que commence un long travail de restauration, précédé de recherches minutieuses (rappelons que Paul Guérin est un scientifique) afin de dénicher des pièces de rechange «absolument authentiques, jusqu'au pneu de secours, un Continental non utilisé, datant de 1972». Si la carrosserie est particulièrement saine et exempte de rouille, on ne peut pas en dire autant de la sellerie usée à la corde, du plancher percé, des vitres électriques figées en place, etc.

Quant à la mécanique - et c'est là le plus surprenant - le moteur, la transmission, les suspensions et le pont arrière sont non seulement d'origine, mais en bon état de marche. Paul Guérin décide quand même de «rafraîchir» le moteur en remplaçant les segments des pistons et autres pièces d'usure, question de redonner sa verve de jeunesse au beau six cylindres en ligne coiffé d'une culasse en aluminium à deux arbres à cames en tête.

Ces 1 649 353 kilomètres, c'est 41 fois le tour de la Terre. Avouez que ce n'est quand même pas banal. D'ailleurs, tous ces faits sont soigneusement authentifiés par Mercedes, qui dispose dans ses archives de tous les dossiers d'entretien de la voiture depuis 1973... Pas banal non plus! Et le tout est de nouveau vérifié et authentifié par Guinness World Records, qui a remis à M. Guérin un certificat qui dit (nous traduisons): «La plus longue distance parcourue par une voiture qui roule avec le moteur d'origine a été réalisée le 21 juin 2007 par Paul Guérin et sa Mercedes-Benz 2 801 973 avec un total de 1 647 969 kilomètres. Certificat numéro 193 606. Signé: Guinness World Records Ltd.»

Est-il besoin de préciser que Paul Guérin est un fervent de l'étoile à trois branches? «J'aime l'automobile, ce "cheval moderne", et j'aime le slogan de Mercedes: conduire pour le plaisir au lieu de conduire pour se déplacer. À mon avis, Mercedes est l'inévitable conclusion d'un amateur d'automobile. Si vous n'êtes pas d'accord, c'est que vous n'êtes pas encore arrivé à cette conclusion.»

Que dire de plus, sinon souhaiter à Paul Guérin un autre petit tour de la planète à sa Mercedes.